Il serait réducteur de ne limiter Cronenberg qu'à un seul et unique genre, alors que ses oeuvres présentes toujours quelque chose de beaucoup plus profond, rimant souvent avec le drame, alors que sa forme étale souvent tripailles ou sexe. Ceci étant dit, ce Vidéodrome est à réserver à un public averti. L'auteur avait laissé le sexe de côté dans ses précédentes oeuvres, laissant à croire qu'il avait abandonné cet aspect avec Frissons, mais il semble qu'il avait encore quelques choses à dire sur le sujet. Un sujet, mais aussi de nombreux autres, que ça soit l'influence de la télé, l'auto-destruction, et évidemment hallucinations et paranoïa. Ces trois derniers points sont d'ailleurs tellement présents que l'on aurait presque l'impression de nager dans une oeuvre de Philip K. Dick (et ce ne sera probablement pas par hasard si Cronenberg adaptera quelques années plus tard Le Festin Nu, roman de William S. Burroughs, très proche du romancier).
Notre protagoniste, interprété par James Woods, est le parfait prototype du personnage vierge qui travaille pourtant dans une industrie répugnante. Il diffuse des programmes pour adultes qu'il ne regarde pas, jusqu'au jour où il découvrira Vidéodrome, si réel qu'il en deviendra accroc, hypnotisé, au point de se construire un monde aussi fou, réel enfer dans lequel il tentera de devenir le héros, alors que la chose est claire dès le début, c'est une descente aux enfers, et non l'apogée d'un Homme.
Bref, Vidéodrome se classe parmi les oeuvres les plus étranges visuellement, et sera une sorte de prémisse au Festin Nu. Tout n'est qu'illusion, l'inimaginable se matérialise, et toutes les curiosités sont permises, comme le ventre de Woods se transformant en lecteur VHS, ou encore sa main qui devenant une arme à feu mutante (ce dont on se rappellera en visionnant Existenz). Visuellement Cronenberg prend de plus en plus ses aises, et les effets-spéciaux se montrent réellement bluffant, que ça soit ceux tout public, dont Woods enfonçant la tête dans une télé, de même que pour les plus gores, dont une explosion de chaire et de boyaux bien répugnante.
Au-delà de ces points, le film repose beaucoup sur James Woods, qui livrait une interprétation étonnante dans la peau de cet homme dont la vie bascule; inconnu à l'époque, il supplante pourtant Deborah Harry, aka Blondie, dont le nom était celui encadré sur l'affiche afin de le vendre.
Pour conclure, les amateurs de critiques de la télé, de la pornographie, mais aussi de thrillers, trouveront ici une curiosité diablement passionnante, pour peu qu'ils se laissent happer par cet univers. Les moins friands de ce type de dégringolades psychédéliques auront en revanche du mal à accrocher, de même qu'à en comprendre l'histoire et la finalité, le tout suivant une narration réservée à un public particulier.
Mention spéciale pour James Woods, qui à une époque où il était totalement inconnu, se retrouve sur les devants de la scène et projeté dans une oeuvre folle où il peut se permettre de nous montrer toutes les facettes de son talent, chose qui lui aura été moins facile par la suite, ses rôles devenant bien plus mainstream.