La technique peut se comprendre comme une extériorisation des fonctions corporelles et mentales dans l’environnement (ex : le manche du marteau comme un bras artificiel, le livre et le GPS comme extension de la mémoire et de l’intelligence). Les objets techniques (armes, outils, machines, etc.) viennent ainsi compléter certaines parties du corps (lunettes correctrices, jumelles, lunettes astronomiques, balais, fusil, voiture, parachute) ou remplacer nos organes déficients ou absents (prothèses). Les humains tendent ainsi à se construire hors d’eux-mêmes, dans un milieu composé d’objets artificiels que sont par exemple les outils, machines, villes, monuments, paysages modelés, etc. Cela nous permet d’augmenter nos facultés et d’agir plus efficacement (ex : le vélo permet de se déplacer plus vite) pour faire face à l’environnement (agriculture, vêtements, bâtiments, etc.) et répondre à nos besoins en nous libérant de certaines tâches (ex : la machine à laver fait gagner du temps et de l'énergie).
Les films de David Cronenberg illustrent cette conception de la technique comme extériorisation du corps et de la pensée dans l’environnement et questionnent ses effets en retour (bénéfiques ou non) sur ce que nous sommes. Selon l’anthropologue André Leroi-Gourhan (1911-1986), c’est par l’extériorisation technique des fonctions initiales du corps biologique de nos ancêtres dans l’environnement (anthropisation), que ce corps a évolué par effet en retour (hominisation). La relation au monde et à soi même médiatisée par la technique prend la forme du fétichisme des nouveaux organes dans Les crimes du futur et des automobiles dans Crash, elle engendre l'aliénation dans Vidéodrome et la maladie dans Existenz, tandis que La mouche se termine par une fusion funeste avec la machine.
La technique : l’ensemble des objets (outils, instruments, machines, robots) et des procédés (moyens) (écriture, bricolage, médicale, industrielle...) permettant d’atteindre un but (fin), qui sont appropriés pour obtenir un résultat déterminé.
La technologie : la technique qui emploie la connaissance scientifique. Ex : électronique, techniques de l’information et de la communication, génie génétique et biotechnologies.
Désormais, les nouvelles technologies (nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information, sciences cognitives) nous donnent des moyens inédits pour améliorer nos capacités physiques, mentales et émotionnelles. L’auto-transformation des humains désormais possible n’est pas seulement une transformation matérielle externe avec des artefacts qui viennent compléter leurs corps (ils confient leur force à la machine, leur mémoire à l’ordinateur, etc.) mais une transformation matérielle interne avec l’incorporation d’objets technologiques (prothèses robotisées, exosquelettes, implants cérébraux ou puces sous-cutanées, neuromédicaments, etc.) et la modification génétique (intervention dans le génome des cellules germinales fécondées, soit en écartant les propriétés indésirables par l’élimination des gènes associés aux maladies génétiques, soit en apportant les propriétés désirables comme un QI élevé, une résistance à la douleur, etc.).
Elle pourrait donner naissance à des individus posthumains dotés d’organes sensoriels nouveaux (la vision nocturne, un détecteur d’infrasons et d’ultraviolets, l’écholocation, etc.), de performances intellectuelles et physiques incroyables, voire de l’immortalité. L’« homme amélioré », pourrait par exemple prendre la forme d’un cyborg (avec les implants et l’interface cerveau-machine), fusion de l’homme et de la machine, à l’image du personnage de Robocop ou de l’héroïne de Ghost in the Shell.
Anthropotechnie : l’ensemble des techniques matérielles de transformation humaine non thérapeutiques, qui visent une amélioration par la modification de certaines caractéristiques corporelles.
Si une telle auto-transformation est technologiquement possible, reste à savoir si elle est moralement permise et souhaitable. Les « transhumanistes » pensent que oui : c’est l’opportunité de maîtriser l’évolution humaine au bénéfice de l’épanouissement des individus futurs, plutôt que de continuer à s’en remettre aux aléas de la sélection naturelle aveugle dont découlent des caractéristiques indésirables (ex : vieillissement des cellules vivantes après la période de reproduction) ou sous-optimales (ex : réactions émotionnelles irrationnelles, mémoire limitée). A l’inverse, les « bioconservateurs » pointent le risque d’une accentuation des inégalités sociales et des discriminations, comme l’illustre le film Bienvenue à Gattaca, car il y aurait davantage de différences de capacités entre les humains n’ayant pas bénéficié de ces améliorations (car ils n’en ont pas les moyens économiques ou ne le souhaitent pas) et les posthumains améliorés qu’il y a par exemple aujourd’hui de différences de capacités entre les chiens et les humains.