Le jeu de dupes proposé par Villa Caprice, où s’exercent rapports de pouvoir et manipulations à différentes échelles, décline The Ghost Writer (Roman Polanski, 2010) dans le microcosme judiciaire : nous retrouvons une même progression dramatique, une musique singée sur la partition d’Alexandre Desplat, un cadre spatio-temporel cultivant l’antithèse entre d’une part les bureaux parisiens fréquentés et d’autre part une villa excentrée de la Côte d’Azur comme l’île de Martha’s Vineyard. Le face-à-face, chez Polanski, présentait l’intérêt de procéder par absences, par empressements, par empêchements successifs, transformant son homme politique en spectre et l’ombre en terrain d’action ; il s’accomplit ici par des entrevues souvent laborieuses, la faute à des dialogues surécrits que récitent des comédiens inégaux, en particulier Patrick Bruel, engagé dans une caricature de l’homme d’affaires pressé avec lunettes de soleil et coups de poker.
Par contraste, l’originalité du film réside davantage dans l’errance de maître Luc Germon, lassé d’une existence dépourvue d’amis et d’épanouissement au sein d’une relation véritable ; aussi apparaît-il de plus en plus fragile, étranger à un environnement qui pourtant le définissait, et le piège dans lequel il tombe offre une puissante métaphore de l’inhumanité à l’œuvre dans les hautes sphères, rappelant une remarque de Jean de la Bruyère à propos du souverain : « il ne manque rien à un roi que les douceurs d’une vie privée ; il ne peut être consolé d’une si grande perte que par le charme de l’amitié, et par la fidélité de ses amis » (Du Souverain ou de la République, 15). Ce propos moraliste est ici porté par une tonalité mélancolique qui change cette affaire a priori banale en crépuscule d’un être soucieux de prendre le large, mais qui ne trouve à terme qu’un profond sentiment de vanité ; il trouve en Niels Arestrup un interprète hors pair qui justifie à lui seul le visionnage de cette Villa Caprice sinon moyenne.