Vincent doit mourir est un « faux-film de genre » qui commence plutôt bien, très bien même. On suit le sous-coté Karim Leklou, qui incarne ici un personnage plutôt détestable et qui, sans aucune raison apparente, commence à se faire frapper par certaines personnes qu'il (et qui le) regarde dans les yeux.
Le long adopte, dès son introduction, un style, une ambiance angoissante et oppressante, ainsi qu'une composition, qui n'est pas sans rappeler celle de Carpenter… ce qui n'est pas pour me déplaire. On retrouve aussi son côté paranoïaque à la Invasion Los Angeles, même si pour le coup, j'aurais davantage à comparer le film à It Follows de ce point de vue là tant on suspecte de plus en plus le regard de tout le monde au fur et à mesure que le récit avance.
Après, si j'ai dit « faux-film de genre » c'est car, dès sa deuxième partie (qui arrive après une demi-heure), Vincent doit mourir change de registre. On commence par abandonner la ville pour la campagne, on perd en partie ce côté angoissant, cloisonné, du début de film et, même si le eye contact reste toujours de vigueur et nous offre même quelques scènes bien marquantes, Vincent finit par rencontrer Margaux (incarné par Vimala Pons 🤎)… et le long nous rappelle que nous sommes devant un film français et qu'il va y avoir du social dedans. Là où Leklou incarne un personnage maltraité physiquement, Pons incarne, elle, un personnage maltraité psychologiquement.
Le début de la deuxième partie du film est aussi l'occasion pour le réalisateur de nous expliquer que le personnage principal n'est pas le seul dans ce cas, d'introduire JoachimDB et les sentinelles, des personnes qui se sont organisées entre elles et qui ne sont pas sans rappeler les survivalistes et autres complotistes dans leur manière de fonctionner… même si, malheureusement, le scénario n'exploite pas assez ce sujet.
Forcément, le réalisateur n'hésite pas à faire un parallèle avec notre SOCIÉTER moderne, même si pour le coup, ce parallèle est surtout dressé afin de se foutre de la gueule des paranos pro-Zemmour, ceux qui ont peur des arabes (quoique ça va les rassurer que ce soit un Karim qui ait peur dans ce film), qui se chient dessus quand ils sortent de chez eux et qui adorent écouter Élisabeth Lévy (qui fait d'ailleurs un caméo vocale, et rien que sa seule présence confirme qu'il y a une grosse part d'ironie dans ce film). Curieusement, le scénario a été écrit avant la période COVID, et bien avant donc cette période « d'ensauvagement »… on peut dire que Mathieu Naert a eu le nez creux.
Reste enfin cette troisième partie, qui ne dure qu'à peine une demi-heure, sans nul doute la plus « cryptique », la plus chaotique de toutes car… c'est de chaos dont cette fin de film parle justement. C'est probablement celle sur laquelle j'aurai le moins de choses à dire, bien qu'il s'agisse, sans l'ombre d'un doute, de la partie du film où la mise en scène est la plus poussée, rien que pour sa scène de l'autoroute.
La fin en bateau m'a quant à elle beaucoup fait penser à L'Armée des morts de Snyder (et en plus optimiste), même si, pour le coup, je crois que j'aurais pu chopper meilleure référence… genre Romero quoi. Une autre référence du réalisateur tant la manière de réagir de certains personnages n'est pas sans rappeler celle des zombies des films du bonhomme, surtout lors de la fameuse scène sur le parking du supermarché. Le long est de plus en plus violent, et pour parfaire la comparaison avec les films de zombie, on se retrouve ici aussi devant une épidémie, mais surtout devant une épidémie de violence, sans pour autant oublier cette maladresse inhérente aux bagarres improvisées, sans pour autant la styliser… contrairement à ce que fait Snyder (comme quoi tout finit par se recouper).
Leklou incarne ce genre de personnage loin d'être un héros, ce genre de personnage détestable, mais qui finit par prendre tellement cher qu'on s'attache à lui. En plus, le fait que personne ne le croit, remette en doute ses dires, ne fait que renforcer l'attachement pour ledit personnage. Le choix de l'acteur est quant à lui très pertinent. Outre le fait que Karim Leklou soit très sous-estimé, ce n'est pas un acteur avec une « gueule », mais ce n'est pas un acteur avec une apparence « lambda » non plus.
Bref, entre lui et Vimala Pons (qu'on ne présente plus), j'ai été gâté niveau acteur que j'aime. À noter que l'année 2023 aura été une bonne année pour les chiens au cinéma : entre celui d'Anatomie d'une chute, du Règne animal, et enfin, Sultan du film dont il est question ici (et sa manière d'aboyer qui n'appartient qu'à elle), les cynophiles vont être ravis.
Forcément, le film possède ses scènes marquantes. Même si j'ai tendance à préférer la première partie justement, impossible de ne pas évoquer la scène du combat autour (et sur, et dans) la fosse septique, la scène sur le parking du supermarché ainsi que de la scène de l'autoroute.
J'ai lu de nombreuses critiques sur le film, certaines plus justifiées que d'autres. Franchement, ça trigger vraiment certaines personnes tant que ça le coup du fait qu'on ne parle pas de lunettes de soleil ? Vous vous attendiez vraiment à ce que le personnage principal déménage au fin fond de la Creuse dès les premières minutes ? Le film ne répond pas à certaines questions, on se pose d'ailleurs plus de questions au début qu'à la fin (le eye contact n'est par exemple pas tant acté que ça) et franchement, je préfère ça, je préfère avoir à interpréter le film moi-même (quitte à utiliser les rares neurones à ma disposition) que de me retrouver face à un twist débile (comme dans une partie des films de Shyamalan) ou face à un film qui se sent obligé de devoir tout m'expliquer (comme dans l'autre partie des films de Shyamalan). Reste tout de même à accepter ce fameux changement de ton qui survient après une demi-heure, le côté romance (et même un peu bondage et sado-maso) et le fait que le personnage principal ne soit pas seul. Pour le coup, je comprends qu'on puisse être déçu du fait que le film ne conserve pas son concept original (à prendre dans les deux sens du terme).
Le scénario original devait davantage tourner autour de la première partie, autour du fait que « Vincent doit mourir ». A priori, c'est le réalisateur qui a insisté pour inclure cette part de social dans son long-métrage. M'enfin, Vincent doit mourir étant son premier long-métrage, j'ose espérer que le film dont il est question ici ne soit pas une « anomalie » dans sa carrière… parce qu'il a quand même une patte le bonhomme.