Le minimalisme de l'ensemble est un peu perturbant au début et on se demande bien où veut nous emmener Thomas Salvador, réalisateur, scénariste et acteur principal de ce premier long-métrage étonnant où il est question d'un homme, Vincent, possédant un don surnaturel.
Minimalisme dans l'écriture tout d'abord. En effet, Thomas Salvador voulait faire un film "au présent" selon ses mots. C'est à dire peu d'éléments biographiques et une construction linéaire. Si l'on devait faire une fiche personnage sur Vincent, on n'aurait peu de choses à dire de concretes (études, situation familiale, passion, intérêts etc.). En outre, les dialogues sont assez rares (mais assez justes). Pour autant, les personnages du film ont une vraie existence qui passe par les actions et le jeu des acteurs. Vincent est un personnage timide, décalé du monde réel qui se construit sur ce qu'il fait (ou ne fait pas). Construire un personnage par les actions qu'il entreprend est une des bases du cinéma quant à la construction des personnages et assez souvent oubliée où la tendance est de faire tout passer par le dialogue. Vincent regarde, sourit timidement, aide, court, saute, parle peu et surtout nage.
Le don du film renvoie d'un certaine manière au mythe du super-héros américain (comme se plaît à le rappeler le marketing du film à coup de "Le premier super-héros français !") mais il serait dommage de se concentrer uniquement sur ce point. Bien sûr, beaucoup d'éléments du film renvoient à cela (le pouvoir, les deux ou trois clins d’œil) mais le film ne cherche pas à créer une figure héroïque mais justement à montrer comment Vincent peut réussir à se fondre dans la vie réelle aussi bien que dans l'eau (sans pour autant laisser de côté son don).
De ce point de vue, la relation qu'il entretient avec Lucie est très importante pour lui. Pour autant, toute la construction amoureuse se construit en ellipsee et on assiste juste à l'éclosion d'une relation stable et importante pour Vincent. Cette construction en ellipse est brillamment écrite (et montée) puisque à aucun moment cette relation ne paraît fausse (à l'image de la construction des personnages).
Pour un film à petit budget, il est étonnant de voir une si grande importance des effets spéciaux. Il est d'ailleurs intéressant de noter que, hormis une ou deux exceptions, le film ne se sert pas de trucages numériques et préfère utiliser des trucages mécaniques (trampolines, bascule coréenne, constructions, jeu de perspective etc.) pour mettre en scène le don de Vincent. Ainsi, les exploits de Vincent paraissent à l'image tout à fait singuliers puisque très concrets (l'avantage de l'effet spécial en "dur") et en même temps irréel (on ne peut pas nager comme cela).
Pour son premier long-métrage, Thomas Salvador fait fort. Si le rythme un peu lent et contemplateur pourra en laisser quelques uns sur le carreau, la grande finesse d'écriture, de réalisation et de direction d'acteur saura combler les autres. De plus, un film français fantastique est toujours bon à prendre surtout quand il est aussi bon.