La meule de l’emploi
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Ça fait plaisir de voir un film qui prend la campagne simplement pour ce qu'elle est, qui n'essaye pas de lui donner une portée symbolique face à la ville, ni de lui faire endosser un quelconque discours misérabiliste et plombant.
Portés par des acteurs amateurs épatants, l'ensemble de la distribution des rôles est parfaite. Authentiques, spontanés, vivants, les personnages sont à l'image du comté de Totone, c'est-à-dire que Louise Courvoisier n'a pas cherché à les affiner dans des moules de conformité en les captant dans leurs jus avec tous ce qu'il y a d'accent local, de coups et d'alcool dans le sang. Le film est à l'image de la bande à Totone, solaire et débrouillard, et évite de tomber dans le piège d'une esthétisation, parfois un peu trop soulignée, des prolos en milieu rural comme les évidents plans de transition sur 2 roues et le renversement de la domination masculine dans les rapports de séduction et de sexualité.
J'ai trouvé la mise en scène particulièrement juste, sans jamais verser dans le pathos même après le drame qui fait basculer la vie de Totone. Il y a une scène au début du film qui m'a beaucoup plu : le père de Totone vient de récupérer son fils endormi sous un abribus sur le passage de sa collecte de lait, ils traversent les champs dans la pâleur de l'aube avec cette fine brume qui recouvre encore les champs ; le père demande à son fils s'il a envie de vomir qui lui répond très brièvement "non", mais il ouvre quand même les fenêtres deux secondes après pour faire rentrer de l'air frais et atténuer sa nausée. Il y a beaucoup de choses dans la captation de ce petit geste je trouve : la difficulté à se parler, ce silence et cette pudeur qui, malgré tout, n'efface pas l'amour et l'attention qui existe entre eux.
Autre idée géniale avec une scène encore toute simple, cette fois-ci à la fin : le rêve (mais est-ce qu'il y a vraiment cru un jour ?) de gagner le concours du meilleur comté et les 30 000 € prend fin quand Totone se heurte aux murs de la norme et de la règlementation. Combien d'autres auraient pris des chemins détournés en faisant fi des contraintes de l'environnement économique filmé ? Le message est d'ailleurs plutôt fin, puisque comme on peut le voir à un moment plus en amont du film, ce sont les gros producteurs qui raflent la mise, notamment par leur capacité financière à s'adapter et correspondre à un cahier des charges des plus strict. Vingt Dieux, film de famille et d'amis, est en soi l'antithèse d'un système industriel figé qui récompenserait toujours les mêmes.
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Créée
le 31 déc. 2024
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