Un film-enquête édifiant, sur l'inaction des fédérations de sport et l’impuissance des États...

Il aura fallu 2 ans d’enquête à Pierre-Emmanuel Luneau Daurignac pour mettre à jour le terrible fléau que sont les violences sexuelles au sein du sport, mettant en lumière, non pas des dérapages ponctuels mais les dérives de tout un système. L’omerta qui règne dans le milieu du sport est à l’image de ce qu’il se passe en termes de pédophilie dans le monde feutré de l’Église.

En 2009, le réalisateur s’intéressait déjà à ce sujet à travers le reportage "Carton rouge, les abus sexuels dans le sport" pour Envoyé Spécial. Près de 10ans plus tard, il signe un film-enquête édifiant à travers lequel il lève le voile sur les violences sexuelles (d’ailleurs, il serait plus honnête d’appeler ça "viols" plutôt que "violences") toujours dans le milieu du sport et tire la sonnette d’alarme en dénonçant je cite « athlétisme, football, natation, sports individuels et collectifs, amateurs ou professionnels, toutes les disciplines sont concernées. (…) Filles ou garçons, avant ses 18ans, 1 sportif sur 7 subit des violences sexuelles ».

Aux quatre coins du globe, les révélations des scandales sexuels voient le jour, de l’Angleterre (avec Andy Woodward) en passant par la France (avec Sarah Abitbol), le réalisateur va à la rencontre des victimes pour tenter de comprendre comment tout cela a pu rester sous silence pendant d’aussi longues années. Paul Stewart (footballeur anglais), Gloria Viseras (gymnaste espagnole), Jancy Thompson (nageuse américaine), Melissa Baysse (pilote de motocross française) ou encore Karen Leach (nageuse islandaise) se livrent face caméra et nous expliquent le terrible mécanisme d’enfermement auquel ils ont dû faire face. Un endoctrinement de la part de leurs entraîneurs où trop souvent, les fédérations n’auront jamais joué leur rôle, celui de protéger leurs athlètes.

Des vies brisées (athlètes et familles) et des fédérations du sport qui privilégient le silence pour éviter tout scandale. Comme dans l'Église avec les prêtres pédophiles, bon nombre d'entraîneurs accusés d'agressions sexuelles sont restés longtemps en activité, bénéficiant de la protection et de l’aval de leur fédération. Les histoires sont choquantes, voir ahurissantes, comme cette sale affaire du football anglais (300 entraineurs accusés & 350 clubs mouillés et le Chelsea FC qui ira jusqu’à verser de l’argent aux victimes pour les maintenir sous silence).

Le réalisateur s’intéresse aussi à un tout autre scandale, celui lié à USA Swimming, la fédération de natation. Il y est notamment question de Larry Nassar, le médecin de la fédération, accusé de plus de 300 agressions sexuelles ou de son système opaque visant à protéger son système financier au détriment de ses athlètes. Les victimes ne sont pas les seules à prendre la parole, on y croise aussi un sociologue du sport, un psychologue du sport, un avocat spécialisé dans les abus sexuels dans le sport, ainsi que Roxana Maracineanu (Ministre des sports sous Macron) et Marie-George Buffet (Ministre des sports sous Jacques Chirac).

Violences sexuelles dans le sport, l'enquête (2020) lève le voile sur les trop nombreux non-dits dans le sport, entre les fédérations qui aussi coupables que les entraineurs et l’impuissance des États à faire éclater la vérité. Pierre-Emmanuel Luneau Daurignac donne la parole aux victimes et jette une fois de plus un pavé dans la mare. A noter enfin, que suite à ce film, le réalisateur a écrit ce livre : L’entraîneur et l’enfant (Seuil, 2021).

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