En anglais, l'expression "shrinking violet", que l'on pourrait traduire littéralement par "violette qui se rabougrit", désigne quelqu'un de timide, craintif. Dans les soirées, c'est celui qui reste contre le mur à regarder les autres danser. Dans "Violet", c'est celui qui, impuissant et paralysé devant l'acte surréaliste qui se déroule devant ses yeux, ne peut se résoudre à intervenir pour aider son ami et le tirer d'un sort funeste. Jesse a une quinzaine d'années, et son pote Jonas vient de mourir poignardé sous ses yeux.
Au chagrin de Jesse vient petit à petit s'ajouter la culpabilité, le dégoût de soi, le regard des autres, les insomnies, et tout le toutim. Filmée en 4:3, l'image de Violet ressemble à un étau serré tout près des tempes de son héros, et prend l'allure d'une boîte à questions. Des questions auxquelles bien d'autres réalisateurs ont apporté leurs réponses, avec bien plus de talent, mais l'intérêt est ailleurs.
Car derrière un scénario proprement rachitique, Violet pouponne les expérimentations d'un jeune cinéaste, Bas Devos. Une personnalité affirmée (quoi que l'on pense du film, on ne pourra pas lui enlever ça), des litres de sang neuf, un regard insolite et contemplatif sur les petits riens de la vie qui se poursuit : le film porte indéniablement la marque de son géniteur, un gars qui a l'air très simple, lucide et humble contrairement à ce que ces tics de cinéaste pourraient laisser penser.
Violet comporte très peu de plans. Etiré à l'extrême, chacun d'entre eux semble chercher l'électrochoc, l'étincelle. C'est peu dire qu'il vous faudra énormément d'implication et de concentration pour la trouver cette étincelle, car le film ne réussit pas tout ce qu'il tente. Pourtant, Violet est constellé de moments de grâce, de travellings hypnotiques, d'évidentes symbioses entre l'image et le son (ou le silence) qui, l'espace de quelques secondes, font transparaître toute l'intelligence de la démarche de Bas Devos. L'économie de dialogues entre des personnages incapables d'exprimer la complexité de leurs sentiments imprime un réalisme étrange que l'on met toutefois un certain temps à accepter.
Violet, récit d'une insouciance envolée et de la peur ordinaire, peut ainsi se montrer aussi beau que froid, aussi planant qu'opaque, aussi audacieux qu'ennuyeux. Mais les bouleversantes images qui restent en tête ne mentent pas : ce réalisateur va laisser une trace, j'en prends le pari.