Virgin Suicides est un film de Sofia Coppola sorti en 1999. Il raconte l'histoire de cinq sœurs, filles de la famille Lisbon qui mettent mystérieusement fin à leurs jours, alors qu'elle font l'objet d'une fascination de la part de leurs voisins et de leurs camarades de lycée. Le long-métrage partage beaucoup de points communs avec le Drame et le Teenage movie sans pour autant reposer sur leurs mécanismes narratif ou symbolique.Virgin Suicides, c'est avant tout une bande-son, composée par le groupe AIR. La texture électro des morceaux qui accompagnent les images du film s’inscrit d’emblée en décalage avec la période durant laquelle se déroulent les évènements. Il en ressort une atmosphère planante, fortement mélancolique qui constitue une sorte de deuxième voix off. Cette voix n’est pas « raccord » avec les images, puisqu’elle provient des années 2000 alors que le film se déroule au début des années 1970. Cette distorsion, c’est finalement le sujet du film. Le monde des jeunes filles semble imperméable à celui de leurs parents. La réalisatrice pose alors cette question : comment communiquer, comment comprendre, comment accompagner les adolescents qui voient se consumer les derniers feu du « rêve » américain que leurs aînés ont connu ?Dans ce monde désenchanté, le film se déroule dans un ordre chronologique et narratif parallèles, et sème les indices qui conduiront à l'issue fatale. L'image, très travaillée, refuse tout réalisme documentaire et toute dramaturgie classique, laissant planer un lourd soupçons sur la véracité de ce qui nous est montré : sommes-nous dans le rêve, ou plutôt le fantasme, des garçons qui observent silencieusement le destin des jeunes filles ? Sommes-nous dans l'espace mental censuré et étouffé des soeurs Lisbon ? Cette hésitation permet des choix variés : couleurs vives et lumière chatoyante pour présenter les soeurs dans leur aura solaire, ambiance bleutée et sous-éclairée pour le deuil, le désespoir et la mort.Les jeunes filles voient leur monde se rétrécir, avec la mort de Cécilia, puis leur séquestration à domicile. La mère, peu présente à l’image règne par le pouvoir de l’absence et surtout de l’inconscience et du déni. Les espaces clos sont nombreux, — le film s’ouvre sur un travelling arrière d’une salle de bain fermée— il contraignent les corps (Lux et ses soeurs gisent, allongées, dans leur chambre, comme des modèles vivants pour peinture) ils permettent de se dissimuler (sous les gradins du gymnase, transformé en la salle de bal) mais le plus beau, et le plus symbolique, qui scelle le destin futur des «virgin » c’est bien le cinéma où Trip et Lux élaborent leur projet sentimental. Comment comprendre l'importance de ce lieu, sinon en acceptant qu'il est celui de l'illusion, des promesses non tenues, des espérances vaines, un autre monde à jamais inaccessible — le cinéma.Reste alors la musique, seul véritable langage capable d’exprimer l’indicible... On n'y revient ! Les disques brûlés puis jetés matérialisent la répression absurde inefficace et humiliante, signe d'une foi aveugle, coupée de la réalité humaine. Le refus de reconnaître puis d’entendre la voix intérieure de Lux et de ses soeurs. D’où les disques que les garçons font écouter aux soeurs Lisbon via un téléphone et qui exclut toute parole, tout discours, tout parasitage. L’émotion pure.La découverte finale des corps, par métonymie, respecte une certaine pudeur de la réalisatrice vis-à-vis de ses personnages, mais semble ainsi proposer le même déni que les parents Lisbon ont nourri pendant tout le film : quand va-t-on regarder la souffrance des adolescents en face et leur proposer une réponse ? La fin du film, laissée ouverte conserve un goût amer : les voisins conservent leur fascination scopique pour les sœurs Lisbon et acceptent de nourrir leur vie de ce souvenir. On dirait que dans le film, les soeurs Lisbon sont des héroïne fictives, coupées du monde diégétique. Des héroïnes de cinéma...