Même si l'on parle ici d'Agnès Varda, cinéaste dont nous aimerons toujours une grande partie de l'oeuvre, et même si ce talent qui était le sien pour capter la vie avec sensibilité, légèreté et humour arrive à ressurgir ça et là dans ce "Visages, Villages", voici un projet qui souffre de bien trop de péchés séculiers pour nous embarquer comme le fit à l'époque par exemple son "les Glaneurs et la Glaneuse". Oui, Varda, même approchant les 90 ans, est résolument une "moderne", et ce goût pour la modernité la trahit ici : s'acoquiner avec l'irritant JR et se rendre complice des "installations" photographiques de ce dernier la fait tomber dans cette insupportable célébration contemporaine de la mise en scène de soi, et l'entraîne finalement loin de son projet (on le suppose...) initial de donner un visage à une France menacée de disparition, celle, laborieuse, des villages, des mines, des usines, des fermes, des ports.
Les quelques beaux "portraits" (filmés, pas photographiés) qui survivent à l'arrogante superficialité de la démarche, constamment surlignée par des dialogues artificiels en voix off ou post synchronisés entre Varda et JR, restent de précieux instants de cinéma au milieu d'un film trop court, trop rapide pour bien nous parler de notre pays, de nos paysages, de nous.
Commençant plutôt bien, "Visages Villages" s'égare peu à peu en chemin, sans nous montrer ni le travail de l'artiste, ni la réelle existence de ces Français transformés en gigantesques statues (publicitaires) de l'Ile de Pâques, chair à canon pour les inévitables selfies imbéciles. JR finit par quitter ses lunettes noires de frimeur, Varda se noie dans son chagrin et l'absence de Jacques : c'est émouvant, mais c'est aussi hors sujet. On comprend mieux pourquoi ce vieux salopard de Godard a refusé de participer à ça.
[Critique écrite en 2018]