Visages, Villages est sans doute l'un des meilleurs films sortis en 2017. Agnès Varda reprend la caméra quasiment dix ans après son dernier long métrage : Les plages d'Agnès, pour quelque chose d'également très personnel. Elle se munit d'un jeunot (et pas d'un Jeannot, à ne pas confondre) qui colle des portraits en pied gigantesques sur des façades et elle décide de parcourir la France des villages, la France rurale, celle des paysans pour faire un film sur le monde ouvrier, le monde paysan, l'écologie, sur le temps qui passe, mais surtout un beau film.
Alors j'évoque le seul défaut du film qui est pour moi JR, le photographe qui avec sa petite voix fluette, son chapeau, ses lunettes et son mode de vive nomade m'insupporte au plus haut point. On sent le bobo à dix mille kilomètres. Mais il vient s'opposer donc à Varda qui avec son âge canonique, mais toujours avec l'esprit vif, qui elle aime justement ce terroir et qui veut le mettre en valeur. Sans doute suis-je vieux, mais je me suis plus senti Varda que JR.
Le film est beau parce qu'il va à la rencontre des gens, comme Depardon l'avait fait dans Les Habitants, ils se mêlent à la population, les font participer à leur œuvre d'art contemporaine, les gens racontent leur vie... Certains mêmes sont pas forcément à l'aise avec leur portrait affiché en pleine ville... Mais c'est pour ça que c'est authentique. Varda fait quelque chose que Godard aurait adoré, c'est-à-dire faire rentrer la caméra dans l'usine, faire rentrer la caméra dans le chantier. Certes elle ne filme pas le travail des ouvriers ou du moins très peu, mais le cinéma vient prendre place dans le monde ouvrier.
Le film est également touchant car il parle de Varda et je retiendrais deux séquences absolument sublimes. La première, ils se rendent sur la tombe d'Henri Cartier-Bresson, JR demande à Varda si elle a peur de la mort. Elle répond qu'elle n'a pas peur, mais qu'au contraire elle a hâte... parce que tout sera finit. C'est juste déchirant de voir une petite vieille qui semble si bien attendre la mort avec sérénité pour que tout soit terminé.
Il y a plusieurs évocations du temps qui passe, notamment avec les photos prises par Varda durant sa jeunesse, avec des modèles morts depuis... Mais la plus belle restera malgré tout la non-visite à Jean-Luc Godard qui permet de conclure le film sur une note de profonde mélancolie. Je ne sais pas si c'est fait exprès, si c'est scénarisé, mais c'était juste parfait. Varda impatiente de revoir son ami de longue date, celui qu'elle a fait tourner dans un court-métrage silencieux au beau milieu de Chloé de 5 à 7 et surtout le dernier, avec elle, le dernier des Mohicans, le dernier de la nouvelle vague, après les morts de Truffaut, Demy, Rivette, Rohmer, Chabrol, Resnais... Elle ne l'a pas vu depuis cinq ans, elle appréhende la rencontre parce que Godard est imprévisible... et lui, fidèle à lui-même, véritable monstre farceur laisse cette note lapidaire sur sa porte faisant référence à Demy, aux jours heureux où Anna, Agnès, Jacques et Jean-Luc se réunissaient avec que Jean-Luc et Agnès finissent par se perdre de vue... le temps détruit tout...
Le film arrive donc à être profondément touchant parce qu'il parle de l'intime, on voit Agnès être touchée par les frasques de Godard, mais elle continue malgré tout à l'aimer. Et c'est peut-être ça le plus beau...