Le dernier film d’Agnès, qui nous a quitté en 2019. Comme elle nous manque…
Agnès et JR s’en vont à bord du camion magique (dont le coffre est un photomaton géant) loin des grandes villes, pour rencontrer le monde et coller leurs âmes sur les murs des villages. Visages Villages.
La rencontre d’Agnès Varda et de JR, c’est la rencontre de deux mondes. D’un côté Agnès, 89 ans, prodigieuse réalisatrice, photographe, féministe, artisane de rêves. De l’autre, JR, 34 ans, photographe street-artiste, ‘activiste urbain’ pour reprendre ses propres mots. Leur passion commune : les murs. Agnès Varda à travers le cinéma (Mur murs sur les peintures murales de Los Angeles en 1981). JR à travers ses galeries de photographie en plein air (entre autres les projets 28 Millimètres et Inside Out). « Ce qui est drôle, c’est qu’on ne s’est pas croisés depuis le temps ! » s’amuse Agnès, et le film commence !
Lui avec son chapeau et ses lunettes noires, elle avec sa coupe iconique vanille-fraise, ils nous emportent avec eux dans ce voyage de villages en villages, dans la camionnette magique de JR, en quête de visages à photographier et de façades à recouvrir.
Habitués alors au street art de Los Angeles et de Paris, cette fois il fallait sortir des villes, partir explorer, voir autre chose ! Et c’est ce gout de l’aventure et de la découverte qui fait de ce film un petit trésor truffé de personnalités singulières : le facteur, l’épicière, l’agriculteur, l’éleveuse de chèvre, la doïenne du village, les écoliers… Les rencontres qui découlent de ce voyage sont d’une immense poésie.
Une taquinerie longe le film et m'amuse : Agnès qui demande à JR de retirer ses lunettes pour voir son regard, car elle trouve qu’il ressemble à Godard (à qui elle demandait la même faveur pour le film Cléo de 5 à 7).
Pour créer cette rencontre de lunetteux, Varda décide de faire un petit détour à leur périple pour s’arrêter chez Godard. Mais il n’ouvre pas. Il fait l’absent. Outre un petit mot laissé sur la porte, cruel et remuant des vieux souvenirs avec Demy, qui ébranlent Agnès. Elle lance « Bon, bah s’il ne veut pas ouvrir c’est une peau de chien » et s’en va, tremblante. J’aime infiniment cette scène, car on y découvre Agnès dans toute sa sensibilité et ses failles, à travers ces allusion au cinéma (Cléo, Godard, son Jacques Demy, la nouvelle vague…). Et olala, quelle belle scène pour un film qui restera, à jamais, son dernier!
Merci tendre Agnès, merci JR, merci pour cette hymne à l’humanité.