(Lisez pas si vous avez peur des spoilers, on sait jamais)
C'est une des forces de Tsai Ming-liang : je peux regarder une femme pleurer pendant 5 minutes, je peux regarder cette même femme marcher au bord d'un terrain boueux pendant 5 autres minutes, je sais pas, j'arrive pas à m'emmerder.
Le film, mais on a l'habitude avec Tsai, donne très peu de réponses. La confusion apparaît presque instantanément. Dans quel appartement ils sont, là ? Celui qu'est à elle ? Ou celui qu'est à lui ? (s'il en a un) On peut voir un mec jouait au bowling dans un couloir avec une pastèque (ou autre fruit lui ressemblant), ça ne veut rien dire, ou presque, mais on s'en fiche. Peut-être que Tsai filme l'ennui et la solitude ; peut-être. Ou peut-être juste un fou ; re-peut-être. On ne peut que peut-êtrer avec Tsai, et c'est ce qui fait son charme, d'éviter de nous donner des bouts de viandes pré-mâchés et prêts à avaler. Il vous donne le steak cru, et ça ira bien comme ça, faut pas abuser. Elle, elle vend des habitations pour les vivants. Lui, c'est un "patron". L'autre, son truc, c'est les habitations des morts, ces urnes cinéraires format "couple" ou "familial" où la mort côtoie les parties de mahjong. Comme l'a dit Godard (houlà, mal barré!) à propos de l'invisible dans le cinéma, eh bien il y a un peu de ça dans ce film je crois, de l'invisible. Comme quand la fille se met à pleurer : d'abord on voit ce vieux assis avec son journal ; puis la fille pleure, de façon pas très discrète ; longtemps ; on voit plus le vieux, la caméra a changé de place, mais on imagine bien ce qui s'est passé : le vieux est peut-être parti, gêné devant un tel manque de pudeur. Il y a aussi ce moment bizarre où elle peut pas ouvrir la porte de son appartement : alors les yeux de la caméra se posent un instant là où habituellement ils ne se seraient jamais posés : dans cet appart-même qui pourtant devrait être totalement inaccessible, aux pieds comme au regard.