Chef dans une administration publique, Kanji Watanabe découvre qu'il est atteint d'un cancer et qu'il ne lui reste plus que trois mois à vivre. C'est à ce moment-là qu'il prendra conscience de ce qu'il a fait de sa vie et ce qu'il peut encore faire jusqu'à sa mort.
Avec Vivre, son quatorzième film, Akira Kurosawa met son protagoniste face à une mort aussi inévitable qu'inattendue. Il force Kanji à se poser les bonnes question et regarder ce qu'il a fait de sa vie, les regrets qu'il peut en avoir et le sentiment d'avoir été une momie (surnom que ses collègues lui ont donné) pendant 30 ans de bureaucratie inutile. Kurosawa étudie l'humain face à la mort, la prise de conscience de ce qu'est la vie et ce qu'on peut en faire. En mettant en scène les derniers mois de la vie de Kanji, il étudie la rédemption d'un homme pathétique qui va peu à peu, découvrir qui il était vraiment et ce qu'il peut faire, en peu de temps, pour, enfin, vivre.
Interrogeant sur plusieurs sujets, Vivre bénéficie d'une très grande qualité d'écriture, d'abord dans ses thématiques et leurs traitements, mais surtout dans les personnages et l'histoire. Kurosawa dresse un passionnant et surtout très riche et consistant tableau humain et d'une conscience qui ne va se réveiller que trop tard. Autour de Kanji, la galerie de personnages est là aussi bien traitée, que ce soit son fils, l'écrivain qu'il rencontrera ou cette jeune fille qui donnera un nouveau sens au peu qui lui reste à vivre. C'est aussi via ses dialogues et surtout le déroulement de l'intrigue que Vivre brille, Kurosawa coupant son récit en deux parties distinctes, l'une où l'on est au côté de Kanji lors de ces derniers jours et l'autre où on le découvre à travers ses collègues lors des funérailles. Toujours d'une grande justesse, il fait passer Kanji par plusieurs sentiments et péripéties suite à la découverte de sa maladie, avec comme arrière-plan le portrait de la société japonaise d'alors, qu'il ne manque pas de critiquer, que ce soit par la façon dont elle va s'occuper des plus démunis ou sa bureaucratie qui empêche de vraiment pouvoir faire avancer les choses.
Cette qualité d'écriture est sublimée par la mise en scène sobre de Kurosawa, sachant faire ressortir toute l'émotion et l'humanisme de son récit, que ce soit les moments les plus graves ou lorsque Kanji se retrouve face à son passé et destin. D'une incroyable justesse, il met en avant la complexité des sentiments humains et les capte à merveille. Malgré la noirceur du récit et le pessimisme qui plane tout le long dessus, quelques moments de légèretés et même d'espoir arrivent à en ressortir, tout comme quelques séquences lyriques de toutes beautées et marquantes. Il orchestre très bien son récit, notamment dans sa gestion des ellipses et bénéficie d'une belle photographie en noir et blanc. Devant la caméra, Takashi Shimura est remarquable, sachant faire ressortir toute la complexité de son personnage pour finalement, nous faire passer par tout un panel d'émotion.
Juste avant qu'il ne réalise Les Sept Samouraïs, Akira Kurosawa met en scène Vivre, où un homme se retrouve face à la mort, son passé, son destin et la vie. D'une justesse et intelligence incroyable, tant dans la mise en scène que dans l'écriture, il arrive à nous faire passer par toutes sortes de sentiments et se faire bouleversant comme peu de films ont pu l'être.