Après les Diamants sont éternels, Eon Productions et Saltzmann et Broccoli se trouvent face au toujours éternel même problème : qui va succéder à Sean Connery ? Pas facile de remplacer un mythe, mais voila que Roger Moore tout droit sorti de la série Amicalement Vôtre, endosse le smoking de 007, lui à qui le rôle avait déjà été proposé mais qu'il avait dû laisser passer à cause du contrat le liant à la série le Saint. C'est je crois, l'acteur le plus âgé à incarner le rôle, Moore a 46 ans en 1973, mais il a le look rajeuni et une grande souplesse, même si avec son arrivée, un certain nombre de choses vont le démarquer de l'ère Sean.
Il est en effet plus fantaisiste, plus plaisantin avec son humour british, ses rictus, ses mimiques et son jeu de sourcil, à cent lieues du cynisme froid de Sean, certes cet aspect peut déplaire comme il peut amuser. Moi je l'ai bien pris, et pourtant mon Bond préféré restera à jamais Sean Connery, mais il y a 2 autres raisons qui me font aimer ce Bond : d'abord c'est le premier Bond que je vois en salles en 1973, j'étais pré-ado et pour moi c'était bien sûr formidable de voir le héros dont je lisais les romans vivre sur un écran ; il faut savoir qu'à cette époque, les autres James Bond de Sean Connery n'étaient pas diffusés à la télé comme de nos jours, je les ai tous vus bien plus tard au début des années 80 en VHS.
L'autre raison, c'est que le film a été démoli par la critique de l'époque qui le jugeait comme un Bond très mauvais, l'un des pires, c'est donc une bonne raison pour moi qui suis souvent à contre-courant de l'opinion de l'aimer encore plus ; avec le recul, je m'aperçois que ce Bond est un des meilleurs, il est n° 6 dans mon top Bondien. Et le public de 1973 a également adoré.
Je vais donc démonter tous les arguments fallatieux émis par les critiques (et même sur SC, j'ai vu des notes vachardes). Revenons à Roger Moore : il apporte donc une touche humoristique, il préfère dès cet opus, les bons mots et les scènes de lit aux bagarres violentes de Sean Connery (et même de George Lazenby), bah il se bat bien à la fin avec Tee-Hee, l'homme au bras d'acier, mais il ne peut s'empêcher de clore la scène après avoir arraché le bras du type et en se tournant vers Jane Seymour, par une private joke adéquate : Vous êtes si belle que le bras m'en tombe.
Le scénario reste très banal, il s'agit d'une histoire de drogue comme dans beaucoup de polars américains, donc ça fait peut-être moins anglais, j'accorde que le scénario n'est pas le point fort. Je préfère l'ambiance vaudou-bayou de Louisiane, avec les scènes du Baron Samedi, et surtout les scènes d'action sont efficaces (alors qu'elles furent jugées ridicules, décidément les critiques ne savent plus quoi inventer comme arguments négatifs) : la poursuite en hors-bords avec la participation du sheriff J.W. Pepper est très drôle (à tel point que le personnage sera rappelé dans le Bond suivant), celle avec le bus est bien réglée, et la scène avec les crocodiles donne son petit suspense bondien.
Les personnages ne sont pas crédibles et sont pitoyables ? allons, allons un peu d'honnêteté messieurs les critiques ; le Dr Kananga (alias Mr Grosbonnet) incarné par l'excellent Yaphet Kotto est un méchant tout à fait réussi de baron mystérieux de la drogue, c'est à ma connaissance le premier méchant black de la franchise, de même que Gloria Hendry dans le rôle de Rosie Carver, a causé des remous parmi les fans bondiens réacs, en tant que première girl black. Le film a en plus une touche blaxploitation, c'était l'époque, et l'action se passe presque entièrement aux Etats-Unis entre Harlem et la Floride et La Nouvelle Orleans, c'est donc normal et bien vu puisque les Bond ont toujours été opportunistes. Parmi les autres personnages secondaires, celui de Tee-Hee, ainsi que celui de Murmure sont de solides hommes de main. On retrouve aussi Felix Leiter en la personne de David Hedison (qui retrouvera le rôle plus tard dans Permis de tuer) ; on a enfin M qui déroge à la tradition en se rendant chez 007 au petit matin pour lui assigner sa mission. Reste Jane Seymour en Bond girl principale qui se sort bien d'un rôle de nunuche même si elle est encore très jeune.
On pourra enfin sourire de la mort assez grotesque de Kananga, mais dans l'ensemble, ce Bond est un bon cru, moi je l'aime bien, influencé sans doute un peu par mon souvenir de ciné, mais Roger Moore s'en sort bien pour son galop d'essai, il n'essaie pas de copier Sean Connery, il apporte sa personnalité, son humour... ses 3 premiers Bond seront corrects, c'est après L'Espion qui m'aimait que ça va se gâter. On admirera aussi le superbe générique de Maurice Binder qui joue sur le mystère vaudou, sur la spectaculaire chanson "Live and let die" de Paul McCartney and Wings, l'une de mes chansons bondiennes préférées. Le film a le charme kitsch de son époque avec les pantalons à pattes-d'éléphant et les coupes afro... bref c'est un divertissement très agréable à revoir.

Créée

le 4 août 2019

Critique lue 1K fois

30 j'aime

27 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1K fois

30
27

D'autres avis sur Vivre et laisser mourir

Vivre et laisser mourir
Ugly
8

Ambiance vaudou et bayou

Après les Diamants sont éternels, Eon Productions et Saltzmann et Broccoli se trouvent face au toujours éternel même problème : qui va succéder à Sean Connery ? Pas facile de remplacer un mythe, mais...

Par

le 4 août 2019

30 j'aime

27

Vivre et laisser mourir
Docteur_Jivago
4

Moore de Rire

Huitième mission pour l’agent Bond, Live and Let Die est aussi celle qui introduit Roger Moore dans la peau du célèbre agent secret, et l'une des modes du moment, la Blaxploitation, va être mêlée aux...

le 2 nov. 2014

28 j'aime

14

Vivre et laisser mourir
Gand-Alf
4

Baron Samedi.

Sean Connery ayant définitivement tiré sa révérence (il ne reviendra que dans un Bond non-officiel, "Jamais plus jamais"), c'est désormais Roger Moore qui endosse la défroque du plus queutard dans...

le 16 avr. 2014

26 j'aime

3

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

123 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

98 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

96 j'aime

45