Vivre sa vie par Cinemaniaque
J’ai un problème avec Godard. Pas le problème qu’a 90% de la population, à savoir un rejet en bloc de son cinéma pompeux, prétentieux, faussement artistique et mégalo. Pas celui de 5% de la population, qui le vénérerait encore s’il se filmait en train de couler une pêche sur des toilettes turques avec Mahler en fond sonore. Nan, moi, ce qui me gêne, c’est que je lui reconnais du talent mais qu’il m’emmerde.
Vivre sa vie n’échappe pas à la règle : c’est beau, mais c’est d’un ennui mortel. Je comprends tout à fait sa double démarche, la question de la prostitution d’une part (on est tous, à un certain niveau, prostitué) et la cinéphilie d’autre part (la coupe de cheveux de la Loulou de Pabst, le clin d’œil à Dreyer, la beauté photographique et narrative glaciale de Rossellini) mais cela ne m’émeut pas outre mesure. Je trouve admirable la retranscription de l’amour entre Godard et Anna Karina à travers cette caméra audacieusement placée, tantôt trop loin, tantôt de dos, occultant toute dramaturgie classique pour chercher sa propre voie, avec le Néoréalisme en vue.
Sauf que le Néoréalisme, ben ça racontait quand même quelque chose de base, aussi bien chez De Sica que dans les premiers Rossellini. Appelez ça un regard biaisé par le cinéma américain classique, mais un manque net de dramaturgie, de tension, d’avancée narrative me frustre à un point tel que je décroche du film, admirant d’un œil la superbe photo de Raoul Coutard et dormant de l’autre quand ça philosophe pendant 15 minutes.
Oui, j’ai un problème avec Godard, dont j’admire tant l’audace et l’intelligence et bloque tellement sur la manière dont il exploite ses talents. Trop touché par ses films pour rester indifférent et pas assez pour m’y abandonner, je naviguerai sans doute encore longtemps entre deux eaux hélas trop tièdes pour moi. Dommage, vraiment.