C’est un poil moins nul que son avant-dernier film (celui avec Jean-Pierre Léaud), mais ça reste quand même à des années-lumière de ce qu’il a pu faire à ses débuts. On sent vraiment que Nobuhiro Suwa a pris le pli – les tics – du film d’auteur (au sens péjoratif du terme) : scénario écrit sur un pense-bête, monologues larmoyants et superflus, direction d’acteurs douteuse, etc. Même la mise en scène, son gros point fort d’antan, n’a plus rien d’original. C’est d’une banalité déconcertante, et il ne cherche même pas à fournir un effort sur le plan esthétique.
La scène où se recueille l’héroïne sur les ruines de sa maison est exemplaire de cette faillite cinématographique : Suwa utilise la caméra à l’épaule pour suivre sa pérégrination (au gré de ses lamentations insupportables), mais sans steadicam, s’il vous plaît ! Du coup l’image tremblote comme si le cinéaste avait un Parkinson en phase terminale, et les plans à ras-de-terre empêchent la communion (pourtant toute trouvée) entre le monde des vivants et celui des défunts de la catastrophe.
Sans faire l’inventaire exhaustif des défauts, au moins évoquer le plus évident : la narration. Bancale, sans aucun rythme, elle donne vraiment l’impression d’avoir été pensée à la va-vite, sans réelle idée directrice (même implicite). Pourtant le sujet initial était potentiellement fécond en réflexions, tournant autour d’un retour vers les origines meurtries par le tsunami de 2011 qui frappa le Japon. Mais la mise en scène est trop insipide pour susciter ne serait-ce qu’un début d’émotion ; les péripéties de l’héroïne sont insuffisantes pour nous attacher à elle, outre le fait que son caractère taciturne à la limite du risible soit déjà largement pénalisant sur un plan purement dramatique.
Les individus défilent au gré de son road-trip improvisé (pour on ne sait quelle raison finalement), l’aident comme ils peuvent et agrémentent son voyage d’un soupçon de critique sociale, mais ça reste très (trop) timide. Suwa cherche beaucoup trop à se reposer sur le capital sympathie qu’inspire la catastrophe et ses victimes sans proposer derrière une réelle lecture du périple de son héroïne, et ainsi tenter de possiblement le dépasser.
Un film décharné donc, l’exact contraire de ses premiers long-métrages, bourrés d’une émotion folle. Quitte à continuer sur ce chemin de la déchéance, je pense qu’il serait peut-être bon de raccrocher la caméra et de laisser place à la jeune génération (Hamaguchi, Ando, Tsuta…), histoire de ne pas ternir plus avant son aura de grand réalisateur.