Voie rapide par Patrick Braganti
Si la trajectoire du héros Alex (qu’interprète avec justesse et sobriété le physique Johan Libéreau), de l’immaturité teintée d’abjection vers la prise de conscience et la rédemption n’est pas inédite, c’est davantage dans son environnement spécifique que le premier film de Christophe Sahr trouve son originalité. Alex est en effet, en compagnie de son pote Max, un passionné de tuning, Une passion extrêmement codifiée dont les membres personnalisent à outrance leur véhicule avant de se réunir pour des rodéos et des défis musclés. Ce passe-temps coûteux et essentiellement masculin – les compagnes reléguées au rang de spectatrices – est pour le taiseux et renfrogné Alex une échappatoire évidente à fuir le quotidien et l’existence morne qu’il subit auprès de Rachel et de leur petite fille. Lorsque le drame survient, il sert de révélateur et oblige malgré lui Alex à affronter sa propre conscience. Le réalisateur qui choisit de sauver son personnage – à l’instar des projets conduits par les frères Dardenne ou plus récemment Jacques Audiard – convainc largement quand il met en scène le quotidien de son héros qu’il ne juge jamais par ailleurs. Cette partie équivaut environ à deux tiers du film qui hélas bifurque ensuite vers un autre registre plus psychologique et explicatif qui nuit à l’ensemble puisqu’en même temps il lui fait perdre sa cohérence. Dès lors, le récit marque ses imperfections. Néanmoins, il est auparavant parvenu à nourrir quelques belles scènes, notamment celles entre Alex et une infirmière. On regrette d’autant plus une dernière demi-heure plus hésitante et moins tenue, mais Christophe Sahr possède à l’évidence une capacité de mettre en scène une histoire forte et des personnages approfondis, malgré quelques erreurs d’une caractérisation appuyée.