Voie Rapide est le premier film à la réalisation très esthétique et soignée d’un jeune réalisateur : Christophe Sahr.
Alex, 25 ans, est passionné de tuning, possède evidemment une auto customisée à outrance, jaune avec une lumière bleue à l’interieur, aussi discrète qu’un sapin de Noël au mois d’aout : la grande classe!
Il a également une copine et une petite fille de deux ans mais qu’il fait bien souvent passer au second plan…
Jusque là le scénario fait penser à un mauvais épisode de “toute une histoire” et pourtant c’est un beau choc percutant qui nous attend au détour.
Comme toujours Johan Libéreau est magistral dans son interpretation, toujours très juste et en parfaite adéquation avec son personnage de banlieusard macho issu d’un milieu populaire un brin nerveux, qui le change tout de même de ses rôles habituels de “good boy” (on repense ici fatalement à son personnage de Douches froides de Anthony Cordier “je trouvais ça effrayant de devoir changer” affirmait-il dans celui-ci en voix off pour finir sur un “les gens ne sont pas bons ni mauvais : ils changent c’est tout”, ainsi on voit ici un magnifique écho). Evidemment il va sans dire qu’il participe beaucoup à la réussite et à la puissance de ce premier film.
L’histoire prend corps dans un quartier situé dans la banlieue parisienne dans une atmosphère très réaliste, un jeune couple smicard travaillant au supermarché du coin, une enfant au bas âge pas forcément souhaitée par lui et, ardemment désirée par elle, des passions et amitiés viriles (jeux vidéos, bagnoles) et pourtant un soir, tout change ou du moins tout semble changer subitement pour une accélération de trop.
Pourtant tout se passe comme si rien n’avait changé, les difficultés demeurent les mêmes, on ne passe pas d’une situation idyllique à un drame mais plutôt à un lent et douloureux apprentissage au travers de la découverte des sentiments et de ceux des autres. Alex devra se résoudre à affronter le choc sur la voie rapide lorsque la situation s’enveminera plus vite qu’il ne le pense.
Finalement l’accident aussi terrible soit-il s’avère n’être qu’une illusion, un pretexte pour agir, un motif comme remède à la déshumanisation qui s’empare peu à peu d’Alex et réveiller quelque chose de plus authentique et surtout de plus fragile, au moins autant que la carosserie de la caisse rutilante qui est devenue une sorte de rempart contre ses doutes face à l’existence.Celui qui s’est mis en travers de sa route lui fera finalement faire le chemin nécessaire à sa rédemption.
Enfin les fans de Stephen King pourront difficilement voir le film sans penser à une relecture moderne de Christine (la voiture maléfique qui pousse au crime) de par la personnification de la voiture, comme une maîtresse entre lui et sa petite amie, invitant à l’adultère et au délit, et Le boulevard de la mort pour le second, dont le clin d’oeil est d’ailleurs fait explicitement pour ce dernier par la présence d’une affiche dans la chambre du défunt.
Au final le message du film est délivré assez brutalement : exprimer ce qu’on ressent, dire à nos proches qu’on les aime, montrer sa fragilité. Cela pourrait le reléguer au plan de film convenu mais c’est sans compter les indéniables qualités de choix de mise en scène et d’interpretation, Johan Libereau, impressionnant d’authenticité et de prestance qui s’avère toujours aussi doué pour jouer des personnages confrontés à des drames intimes et en proie à des cas de consciences jusqu’à la mutation salvatrice. Bouleversant.