L'envol de Paul Greengrass
Pour ceux qui auraient suivi en détail la trilogie des Jason Bourne (je ne compte pas le 4), vous vous serez rendu compte qu’il y a eu changement de réalisateur en cours de route : Doug Liman (La Mémoire dans la Peau), remplacé par Paul Greengrass (La Mort dans la Peau et La Vengeance dans la Peau). Un changement qui a permis à la saga de gagner son titre d’une des meilleures dans le domaine de l’action et de l’espionnage, notamment grâce à la mise en scène nerveuse et unique du réalisateur. Paul Greengrass. Un nom qui, au début, ne disait pas grand-chose, mais qui s’est fait connaître qui s'est fait connaître grâce au 2nd opus de la saga, et qui va devenir incontournable via un docu-fiction qui a littéralement marqué les esprits en 2006 : Vol 93.
Rappel des faits : le 11 septembre 2001, 4 avions ont été détournés par des terroristes qui les ont fait écraser. 2 sur le World Trade Center, 1 sur le Pentagone. Et le 4ème ? Il n’est jamais arrivé à la destination souhaitée par les ravisseurs, les passagers s’étant révoltés contre eux, faisant crashé l’engin avant que celui-ci n’atteigne sont but. Les seules preuves : les témoignages d’hommes et de femmes ayant affronté via des ordinateurs et la télévision à cette tragédie, ainsi que les appels téléphoniques de certains passagers avant que ceux-ci ne perdent la vie. Ainsi se présente la trame de Vol 93, docu-fiction qui ne cherche pas mettre des personnages plus en avant que d’autres et qui évite toute histoire secondaire qui aurait été malvenue. Non, ce qui intéresse ici, c’est de reconstitué les faits aux plus proches de la réalité.
Et pour ce qui est de la documentation, Paul Greengrass et son équipe se sont renseignés comme il le fallait ! Le détournement des 4 avions nous est ici dévoilé (du moins du point de vue des fonctionnaires et militaires américains) étape par étape. Nous faisant découvrir les malheureux témoins qui ont assisté à cela, faisant de leur mieux pour empêcher qu’il y ait plus de morts. Des gens qui ne pouvaient rester que pétrifiés devant un tel cauchemar. Mais aussi, Vol 93 se penche sur les passagers de l’avion en question, suivant leur révolte et réussissant à placer les preuves téléphoniques dans certaines séquences. Vol 93 veut l’authenticité à tout prix. Et sur ce point, c’est amplement réussit !
Mais un docu-fiction peut se montrer fade et n’avoir que le statut de reconstitution. Heureusement, Vol 93 réussit là où beaucoup se loupe : émouvoir ! À voir ces témoins qui ne savent pas quoi faire ni comment réagir face à ce drame, ces passagers qui ne comprennent pas sur le coup ce qui leur arrive, quelques uns qui prennent le temps de prévenir leurs proches par le téléphone… En sachant que tout cela s’est réellement passé malgré la petite part de fiction (en effet, on ne saura jamais ce que les passagers et les terroristes se disaient réellement entre eux).
Par contre, Vol 93 aurait pu, comme Oliver Stone et son World Trade Center, tombé dans le piège de la surdose du patriotisme américain (« On a été attaqué mais les responsables ne vont pas s’en tirer comme ça ! »). Fort heureusement, Vol 93 délaisse ce côté-ci dès le début. Et cela, le film le fait en ne se préoccupant nullement de la nationalité de chaque personnage. En les voyant, on pourrait croire qu’ils sont aussi bien Français que Brésilien. Ce génial manque d’américanisation permet de rendre le sujet bien plus abordable et montre à quel point la tragédie du 11 septembre a affecté le monde entier et non que les États-Unis. Un constat qui se remarque surtout avec les passagers du vol United Airlines 93, venant de divers horizons (se voyant à leur couleur de peur, leur accent respectif…). D’ailleurs, il est étonnant (et astucieux) de voir que le film se préoccupe également des ravisseurs, et ce même avant qu’ils ne quittent leur chambre d’hôtel.
Et là où Vol 93 se démarque également des docu-fictions classiques, c’est par sa mise en scène. Bien avant La Mort dans la Peau, Paul Greengrass imposait déjà son style, et pour un projet au budget peu imposant. S’il y a donc économie de moyens, c’est pour éviter de faire du grand spectacle, d’en mettre plein la vue avec une tragédie (ainsi, le crash de l’avion ne se verra que depuis le cockpit et le film s’arrêtera dès lors, le World Trade Center se fait par le biais d’images d’archives et non d’effets numériques…). Et cela n’empêche pas Greengrass de rendre chaque séquence aussi énergique que n’importe quelle scène d’action. Instaurant du suspense comme s’il en pleuvait, nous faisant oublier le dénouement, pourtant connu. L’exemple principal reste, sans nul doute, la révolte des passages dont la caméra, dans un décor étroit, bouge aisément entre les sièges et les rangées. Alternant efficacement entre les civils et les terroristes. Sans mettre de côté une puissance émotionnelle qui frappe en plein cœur. Du coup, on comprend que le réalisateur ait été pris pour remplacer Doug Liman sur la saga Jason Bourne. Pour son immense efficacité !
Au final, Vol 93 n’est pas un docu-fiction. Il est bien plus ! Surpassant tous les films qui ont été faits sur le sujet (à commencer par World Trade Center d’Oliver Stone, trop gnangnan et patriotique, surtout de la part d’un cinéaste qui se battait contre ses clichés). Poignant, humain, universel… Voici ce que l’on retiendra le plus de cette expérience qui, sans l’ombre d’un doute, marque et marquera pendant un moment !