It's a volcanooooooooooooo
Bonjour, je m'appelle John (enfin non, je ne m'appelle pas John, on n'en a rien à foutre, mais de suite ça fait plus américain), je suis un spectateur de théâtre qui aime plus que tout qu'on le laisse tranquille et je vais maintenant vous expliquer pourquoi ce film est un chef-d'œuvre. Bien sûr, ce n'est pas un chef-d'œuvre, mais imaginez. Vous abordez ce film sans aucun a priori, sans aucune attente, sans comparaison, seulement en le situant dans la joyeuse et bigarrée lignée des films catapostrophes qui font la gloire des États-Unis de l'Amérique. Dans une enfance qui a vu défiler passivement des navets dignes de ce nom, des nanars moqués qui m'ont traumatisé et que je ne peux plus approcher depuis des années, et des téléfilms catastrophes sur M6 le dimanche après-midi quand Maman repassait, je n'ai jamais vu passer Volcano. Gage de qualité.
Ce serait en fait très facile de dire que Volcano ne se prend pas au sérieux ; ce n'est pas une parodie, ce n'est pas du second degré, c'est tout le contraire d'un nanar. C'est un putain de film qui a un putain de budget, qui l'utilise, qui ne se fait pas chier, et qui le montre. Et c'est justement là, que, loin d'un film catastrophe qui essaye de se justifier par son scénario raté (2012 bonjour) ou qui essaye de faire passer ce qu'il montre pour quelque chose de justifiable et cohérent, et se rate complètement (Le Pic de Dante que je n'ai pas vu mais qui a l'air d'être la référence bonjour), Volcano assume pleinement ses mécanismes spectaculaires et dramaturgiques. De toutes façon on aura à redire si c'est dans une montagne paumée connue pour ses éruptions fréquentes et banales. De toutes façons on aura à redire si on s'attaque à une catastrophe historique connue. Donc autant tout miser et allons-y franco de porc, camarades nationalistes ! Un volcan émerge en plein Los Angeles, dans un lac qui fait des bulles (comme ça, au début, on dirait un éléphant qui pète dans l'eau). Et à partir de ce contexte extraordinaire et complètement décomplexé, on situe déjà l'action dans un monde merveilleux. Est-ce qu'on s'étonne dans Alice au pays des merveilles parce qu'en vrai on ne peut pas faire des dessins avec la fumée ? Est-ce qu'on s'étonne dans Star Wars parce qu'en vrai le son ne se propage pas dans l'espace ? Donc je ne m'étonne pas et ce film est trop swag.
À partir delà, le reste est cohérent et ce qu'il montre marche. On se laisse prendre parce que budget lave y passe, et qu'on ne s'amuse pas à utiliser des narrateurs pour nous dire ce que le réalisateur a eu la flemme de montrer. Encore mieux, et sacré pied de nez à ses congénères, il utilise les narrateurs - présentateurs, incompétents et dont le travail dans la société est de meubler le vide des chaînes de télé, pour en rajouter sur ce qu'on voit déjà. Il en rajoute, et c'est génial. Tommy Lee Jones est là pour ça. Tommy Lee Jones est génial. Et, le seul domaine dans lequel Volcano ne fait pas dans la surenchère, c'est justement dans les clichés scénaristiques. Ils sont là, mais pas de passion amoureuse dévorante, pas de scènes de reconnaissance, pas d'effusions de larmes à la mort des gens. Toute la trame relationnelle est contenue dans le personnage de la fille, Kelly, qui me fait beaucoup penser à mon Esther qui sera le personnage récurrent de toute ma production dramaturgique et littéraire alors on insulte pas ce film okay bon donc hein. OH. Volcano place ses " clichés ", comme ça, parce qu'il faut les placer. Ça, c'est fait. Ce sont les fondations, ce sont les parpaings du film avec lesquels on arrête la lave des critiques qui en ont marre des poncifs et des codes. C'est vrai, quoi. Faut arrêter de faire des recettes qui marchent ! L'avenir du vrai cinéphile qui veut faire son chef-d'œuvre qui casse les codes, c'est de tourner sans caméra, parce que de toutes façon tous les films sont faits avec une caméra, faut arrêter les clichés ! Vivement un film qui évite les clichés de faire vivre des personnages et des dialogues, vraiment.
Volcano est donc un putain de film catastrophe qui ose montrer, qui ose provoquer de l'émotion lorsqu'on voit des pompiers qui se sacrifient en brûlant jusqu'ua petit doigt après un Je vous salue Marie désesespéré, lorsqu'on voit des enfants blonds qui ont peur de la lave et des jeunes filles qui espèrent en leur papa, quand on voit brûler des maisons où des noirs sont nés il y a des années. Le film pioche plusieurs détails, qui reviennent à la suite, il trie, il choisit, et il met en scène peu de morts. La beauté de ce film, c'est que rien n'est banalisé. On sait ce qu'il se passe. On sait pourquoi on meurt. Et puis on sait pourquoi on aime ce film non de Zeus y a du feu y a des météorites et puis y a Tommy Lee Jones.
Et puis la preuve ultime de ce qu'assume pleinement ce film, c'est ce détail furtif, lu par un gardien en attente dans une station de métro, et qui résume toute la place du film dans son pays et son époque : http://image.noelshack.com/fichiers/2014/08/1392603741-capture-d-ecran-2014-02-17-a-00-53-34-2.png
Voilà. Moi, je n'aime rien de plus que les films qui me laissent tranquille. Même si, alors que je voulais seulement poser mon cerveau, j'ai réussi à en tirer une bonne dose de matière dramaturgique et une critique-réflexion-pavé ici. Il y a des choses dans ce monde qui m'échapperont toujours.