Ce film est tiré d'une pièce de Ben Jonson (1605), contemporain de William Shakespeare, qui fut adaptée en français par Jules Romains et Stefan Zweig en 1928, ce fut un grand succès au théâtre pour Charles Dullin qui tient dans cette version cinématographique le rôle de Corbaccio. Le réalisateur Maurice Tourneur a suivi fidèlement le texte, mais il a su s'effacer derrière ses acteurs, sa mise en scène n'a rien de vraiment extraordinaire, car tout repose sur le jeu des comédiens dont l'art du cabotinage atteint des sommets de maîtrise. Avoir Jouvet, Harry Baur et Dullin dans un même film à cette époque, c'était une sorte de panthéon dans le cinéma français des années 40.
Volpone, c'est une fable très amusante sur l'argent en même temps qu'une satire impitoyable de la cupidité, que l'on peut résumer par les 3 mots cupidité, fourberie et trahison qui sont les 3 visages de la nature humaine représentée par 3 acteurs fabuleux : Baur, Jouvet, Dullin.
Harry Baur est Volpone le Levantin lâche et veule, éxubérant mais sans excès, Dullin incarne de façon très expressive Corbaccio l'usurier dans ce qu'il a de plus abominable aussi bien physiquement que mentalement, Jouvet interprète de façon prodigieuse un Mosca rusé et cauteleux, avec une certaine retenue mais aussi toute la finesse du valet faussement fidèle et meneur d'un jeu machiavélique. Il fait un peu penser au Scapin de Molière, en plus subtil et plus perfide. Tous trois sont bien secondés par d'autres bons comédiens comme Jacqueline Delubac, Fernand Ledoux et Alexandre Rignault.
Le film a une certaine théâtralité car il ne fut évidemment pas tourné à Venise mais en studios à Paris, cependant l'utilisation de plusieurs décors atténue l'impression de théâtre filmé. C'est un petit chef-d'oeuvre du cinéma français de l'Occupation, et c'est toujours une joie pour moi de revoir ce film qui favorise les numéros d'acteurs.