Gaspar Noé nous rappelle de manière radicale que tout n’est pas divertissement, qu’aller voir un film sur le déclin, la maladie, la fin de vie peut s’apparenter à un engagement, celui d’accepter de ne pas passer un bon moment.
Il est coquin le Gaspar alors il vous sourit en vous ouvrant la porte, il vous brosse dans le sens du poil avec le générique à l’envers qui rassure, une Françoise Hardy redevenue jeune et gracieuse chantant "Mon amie la rose". Ok cool ça va rouler, Gaspar va envoyer du lourd, du stroboscope, ça va être violent et provocateur bien sûr mais le second degré fera guise de soupape quand nécessaire. Avec lui même la mort ou oublier de fermer le gaz peut être sexy donc ces 130 minutes qui restent vont forcément bien se passer.
Mais soudain mauvaise nouvelle : le Noé a grandi, ou du moins a décidé d’arrêter de faire le malin pour s’adonner à une parenthèse désenchantée. Donc sa dernière malice qui se révélera ne pas en être une car lourde de sens sera de partager l’écran de cinéma en deux.
À partir de là la tentation de tourner les yeux, de partir même, sera forte, comme dans la vie quand on va visiter Mémé qui n’a pas toute sa tête, chez qui ça sent le vieux et les souvenirs, où la douleur et la mort qui rôde ont pris possession du moindre bibelot, des albums photos qu’on n’ouvre plus parce qu’on a oublié leur présence et parce qu’ils racontent ce qui n’est plus et ne sera jamais plus.
On pourra taxer Mamie de 200€ mais pour ça il faudra faire preuve d’abnégation, supporter de passer quelques minutes, qu’on prétend ne pas avoir, en compagnie d’une personne qui à force de ne plus être regardée a préféré nier jusqu’à sa propre existence, s'évaporer.
Vous l’aurez compris, le traumatisant et l’exigeant ne sont plus, le garçon a changé et son cinéma avec, désormais il faudra s’habituer à faire avec ce nouveau Noé, celui qui est… traumatisant et exigeant.
Car oui soyez tranquilles, tout ça n’était qu’une blague, on ne se refait pas et Gaspar continuera éternellement à envoyer des baffes en pleine gueule, à parler d’Amour et de roses, même si celle-ci est morte ce matin.
(Bafouille écrite par un mec qui ne comprend pas pourquoi sa mère a pris un coup de vieux, pourquoi elle a tendance à rabâcher. Par un mec qui prétend parfois ne pas les avoir... les minutes.)