Comment devient-on une icône de la pop culture ? Lorsque Celeste échappe de peu à une fusillade dans son collège, elle expie cette expérience traumatique dans une chanson de recueillement pour les victimes. Elle est loin de se douter que 15 ans plus tard, elle sera une star de musique pop adulée partout dans le monde.
Vox Lux surprend dès son prologue où la violence éclate là où on ne l’attend pas. Après ce coup d’éclat, difficile de décrire ce film traitant apparemment de la success story d’une popstar. Sauf que ça n’est pas vraiment le propos ici. Ce dernier est beaucoup plus ambitieux et brosse plutôt le portrait d’une société puérile avide de spectacle superficiel et désincarné. Vox Lux est une étonnante allégorie du violent assaut par la pop culture dont nous sommes victimes quotidiennement. C’est donc avec beaucoup d’ambition et également pas mal de talent que le jeune auteur Brady Corbet – à peine 30 ans – porte son deuxième long métrage. Il s’agit d’un artiste étonnant dont le parcours semble beaucoup imprégner Vox Lux. Acteur précoce, il connut une carrière fructueuse dans le cinéma indépendant américain ainsi qu’à la télévision. Par la suite, il a tourné également pour Michael Haneke dans son remake américain de Funny Games et pour Lars Von Trier dans Melancholia. Il semblerait que son expérience auprès de ces deux mentors l’a encouragé à passer derrière la caméra, tant Vox Lux en porte l’empreinte : regard glacial et cynique sur la violence, misanthropie, découpage en chapitres, histoire narrée en voix off, ainsi que le choix même des acteurs rappellent ces deux références du cinéma européen. Toutefois, Brady Corbet fait bien plus qu’une simple copie « à la manière de » et donne à son film une touche fort personnelle caractérisée notamment par quelques audaces formelles : plans séquences héroïques, ellipses vertigineuses dans le récit et utilisation géniale de son excellente distribution sur laquelle il serait dommage de s’étendre, histoire de ne pas déflorer la surprise. Ces beaux gestes apportent un vent de fraîcheur vivifiant pour les cinéphiles, mais ne sont pas tous pour autant couronnés de succès. Par exemple, la construction du métrage en trois actes abruptement délimités nuit à l’intérêt et à l’empathie que le spectateur peut porter à l’héroïne. Par ailleurs, les tics « auteurisants » du jeune réalisateur – jeux avec le placement de la caméra, déconstruction des génériques – emporte le film sur une limite ténue entre ambition et prétention. Néanmoins, difficile pour le spectateur de ne pas être ébloui plutôt qu’agacé par cette proposition de cinéma soignée, originale et portée par toute la fougue d’un jeune metteur en scène.