Ce qui explique une nouvelle fois pourquoi j'ai tant de mal à me lancer dans les Ozu (même symptôme pour d'autres...). J'ai regardé l'horloge je ne sais combien de fois la première heure (pour imager). Il se passe rien, queue dalle, c'est l'ultime palier nippon, Kobayashi est un réalisateur de film d'action c'est sûr... Je me suis dit, c'est pas possible, ça va jamais le faire, je vois bien que c'est magnifiquement pur mais c'est aussi telllllement chiant et il se passe telllllement rien... Mais j'étais dedans, j'avais envie et je savais ce que j'étais venu chercher. Et comme pour Le goût du saké, la brise Ozu s'insinue, souffle dans le cou, attendrit, révèle, expose le plus simplement du monde. Les langues se délient, à peine, les émotions sont divinement cachées. Tout respire l'économie, l'écoulement naturel de la vie et tout respire aussi le Japon. La même sensation de campagne calme, la vue du balcon, les petits pas qui traversent le tatami, la vue assise du tatami, la chaleur, la pudeur, l'importance de chaque mot, la place de l'hôte, l'organisation de la maison au poil de Futon près, le temps qui passe assis, la rigueur de mise en scène. Tout ceci est classique du cinéma japonais mais ici, c'est telllllement sobre (il n'y a que ce mot vraiment), tellement dans le quotidien, calme, vide et plein, avec une infime pression flottante, totalement à l'opposé de la notion d'intrigue. Toutes les grandes questions familiales sont posées sans heurt, goutte à goutte, et répondues avec autant de plénitude tranquille que de fatalisme froid, sans que rien ne distingue le film de la réalité profonde d'un week-end familial tout ce qu'il y a de plus morne et ch... ennuyant. Mais que de sentiments sont passés avec rien. Que c'est beau de vie. Que la mort peut être simple aussi. Le dernier regard fixe de Chishu Ryu, de profil pourtant cette fois, m'a transpercé par sa puissance mélancolique. Une demi-heure après la fin, le film est ancré définitivement. Il y a clairement quelque chose de parfait, parfaitement pur et limpide, chez Ozu. Mais je préviens, c'est pas du tout cuit dans le bec pour ce que j'en dis.