"Voyage à Tokyo" fait partie d'une poignée de films dont on peut décemment dire qu'ils sont parfaits.
De tous les adjectifs qualificatifs qui me vinrent à l'esprit lorsque j'enlevai le DVD du lecteur et que je le replaçai tendrement dans son boîtier, un semblait prédominer parmi la foule d'attributs tous plus élogieux les uns que les autres qui se bousculaient dans mon esprit médusé : SOBRE.
"Voyage à Tokyo" est un monument de sobriété. Que ce soit dans le jeu d'acteur, le propos, la symbolique, les mouvements de caméras (ça pour être sobre : la caméra ne bouge que deux fois dans tout le film), ou dans la musique : tout est pondéré, calme, posé (et hop, trois adjectifs qui veulent dire la même chose !). Et moi la sobriété comme ça, là, je trouve ça beau et émouvant et parfait (ah, ça y est, je n'arrive plus à retenir les autres adjectifs élogieux dont je vous parlais).
Bon sinon c'est magnifiquement bien interprété, particulièrement le père (Chishu Ryu) et sa bru (Setsuko Hara). J'aime beaucoup tous ces plans de pièces vides et ces intercalations de plans de cheminées d'usine et de ruelles de quartiers modestes, qui outre leur dimension sociale, donnent aux films d'Ozu et à "Voyage à Tokyo" en particulier, un côté très intime, humain, qui est renforcé par cette manière très reconnaissable qu'a le réalisateur de filmer ses protagonistes, qui nous donne l'impression, en les faisant nous regarder droit dans les yeux, qu'ils s'adressent directement à nous. Je raffole des scènes de repas, tellement quotidiennes, et pourtant tellement belles ici, et en fait, dans les films d'Ozu, on ne fait que manger et boire du saké, c'est fou(/beau)...
L'histoire, très touchante, est admirablement bien contée, notamment avec ses petites ellipses, et la musique est superbe.
Ozu a tout compris.