My dear hunter
Avec voyage au bout de l'enfer, l'occasion nous est d'emblée offerte de revenir sur le désastre que peut constituer un titre français par rapport a l'original (désastre qui peut s'appliquer aux...
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le 10 mars 2011
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C'est une sacrée claque que propose Michael Cimino avec The Deer Hunter, une claque intense et faisant froid dans le dos, une claque en trois temps où il déconstruit dans l’horreur le rêve américain.
Un premier temps où l'on découvre une petite ville de Pennsylvanie vivant au rythme des fonderies industrielles et des aléas de la vie de sa petite communauté, en particulier une bande de potes dont trois vont voir le drapeau américain les envoyer au Vietnam. Ils boivent, chassent, vivent avec peu mais s'en accommodent et le mariage de l'un marquera la fin de ce temps innocent et insouciant. Cette première partie permet à Cimino de nous y intéresser puis attacher, on est d'abord spectateur de cette jeunesse puis il nous invite à nous joindre à eux, en particulier durant le mariage avec l'alcool coulant à flot.
Durant ces moments, la caméra de Cimino ne s'arrête jamais, elle est constamment en mouvement de manière à rendre vivante cette peinture sociétale, et c'est là l'une des grandes réussites de cette partie. Il nous fait peu à peu ressentir l'insouciance de cette bande, nous attache à la vie de chacun, les amours des uns, non dits des autres et cette méconnaissance logique de l'horreur qui les attend. Cette première partie prend son temps, c'est un tableau vivant et l'émotion vient peu à peu, on ressent déjà qu'une chose va se briser et que plus rien ne sera comme avant.
Puis vient la coupure, nette et violente, une ellipse nous envoyant dans l'enfer du Vietnam, et The Deer Hunter bascule dans l'horreur, visuelle, psychologique et physique. C'est le temps des traumatismes, d'une Guerre inutile et d'un basculement psychologique violent pour nos trois protagonistes. L'attachement provoqué dans la première partie rend celle-ci douloureuse. Cimino ne s'y attarde pas non plus, il n'y a pas besoin d'insister pour montrer ce qu'est l'horreur et nous faire comprendre, qu'en peu de temps, ce sont des vies qui basculent, ainsi qu'un pays.
Le rythme est toujours bien géré, il sait prendre son temps pour que l'on s'imprègne de la violence que l'on voit, il sait capter toute l'essence de ces moments, autant ceux insouciants du début que violents du Vietnam. À partir de là, on assiste à des chemins qui se séparent, des retours qui ne se passent pas comme prévu, et qui ne se passent pas du tout même, et l'impossibilité de revenir à la vie d'avant. Durant le second acte, Cimino a la bonne idée de s'arrêter sur un seul personnage, celui que personne n'attendait en Pennsylvanie et qui n'avait rien à perdre. C'est lui qui va cristalliser ces vies brisées, alors qu'il ne va jamais retrouver ce qu'il cherchait, ni trouver ce qu'il convoitait.
La dernière partie est la plus ambiguë, la plus psychologique, celle montrant qu'un passé brisé ne peut pas se reformer, celle d'une ville qui a gardé ses habitudes et dans laquelle les protagonistes, pourtant si bien intégrés, ne peuvent même plus s'y retrouver vraiment, ou alors sans pouvoir totalement faire face à ceux qu'ils côtoyaient. Plus rien n'est comme avant et à travers cette petite ville, Cimino dresse un portrait troublant de l'Amérique où des petites phrases prononcées prenant une forte connotation historique, comme lorsqu'un habitant affirme que les USA ont bien gagné cette Guerre.
Cette dernière partie présente de nombreux moments émotionnellement forts, des scènes de vies où l'on ressent tout le poids du passé et de blessures qui ne guérissent pas, tant chez ceux partis à la Guerre que certains autres (le personnage de Linda, écrit, mis en scène et joué avec justesse). L'insouciance des camarades de De Niro est aussi saisissante, tant on voit le décalage entre lui et les autres. Pourtant, la violence physique ne s'arrête jamais vraiment et au détour d'une dernière promesse, l'horreur sanglante reprend le pas et tout juste on s'en remet que l'hymne américain, d'une rare tristesse, va retentir.
Après un premier et remarquable film renvoyant surtout à du Don Siegel (Thunderbolt and Lightfoot), Cimino met en scène avec The Deer Hunter le traumatisme du Vietnam, bien plus que la Guerre en elle-même, et les conséquences psychologiques sur ceux qui y sont envoyés. Le lyrisme cède à l'horreur qui, toujours présente en arrière-plan, cède à un retour amer et douloureux, il est ici dans le désenchantement et la construction de l'œuvre est remarquable, tandis que sa mise en scène nous fait ressentir toutes ces sensations, jusqu'à être poignant.
Cette fresque est autant sur l'Histoire des USA que sur trois jeunes gars de l'Amérique profonde, et tous ces sentiments, parfois et souvent contraires sont mêlés à des réflexions historiques et humaines. Les grands moments ne manquent pas, qu'ils soient spectaculaires ou mélancoliques, où une partie de chasse peut signifier bien plus que n'importe quel moment face à un ennemi désigné par un état et dont on ne connaît rien. Ces destins prennent aux tripes, ils sont ici magnifiés par d'immenses comédiens dont les noms s'effacent derrière les personnages et dont l'émotion se ressent autant dans les yeux que les paroles ou les actes.
En mettant en scène The Deer Hunter, Michael Cimino déconstruit les mythes américains et, en trois temps, mêle le destin de trois jeunes gars insouciants et innocents à une violence physique et psychologique insoutenable, proposant autant d'émotions différentes que de réflexions, avec une œuvre intense, faisant froid dans le dos et durablement marquante.
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Créée
le 31 juil. 2020
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