Voyage au bout de l’enfer fait partie de la catégorie poids lourd du cinéma, celle des films de plus de 3h. Avec 3h02 au compteur, l’œuvre peut faire peur. Ce film de Michael Cimino retrace une magnifique mais tragique amitié d’une petite bande de jeunes ouvrier du fin fond de la Pennsylvanie. Rattrapée par l’horreur de la guerre, celle-ci sera mise à rude épreuve.


La particularité de ce film est qu’il est l’un des premiers à parler de la guerre du Viêt Nam. Nous sommes en décembre 1978, le conflit s’est terminé il y a seulement 3 ans. La mémoire des Américains est donc encore marquée au fer rouge par cette guerre harassante et traumatisante. La part belle du film est donc logiquement donnée aux traumatismes et séquelles psychologiques. On n’y voit pas de scènes de guerre, excepté celle précédent la capture de Mike, Steve et Nick. Cette guerre est pourtant bien là, mais le spectateur ne la verra pas. Le premier écho du Viêt Nam, qui sonne comme un avertissement, est ce militaire qui vient se poser au comptoir du bar lors du mariage de Steve. Cet homme qui vient briser le seul moment d’insouciance du film est visiblement désabusé et traumatisé par ce qu’il a vu ou par ce qu’il a fait là-bas. Face à lui, Mike, Steve et Nick, la tête bourrée des idéaux patriotiques le perçoivent comme un traître, un lâche. Si seulement ils avaient pris la peine de comprendre cet homme et finalement de comprendre ce qui les attendait. Si seulement…


Voyage au bout de l’enfer parle d’une jeunesse que l’on imaginerait, à tort, peu représentative de cette période. On a tous l’image de l’étudiant hippie, cultivé, contestataire. Faite l’amour pas la guerre. La fin des années 60 quoi ! Woodstock, les manifestations étudiantes, la liberté des mœurs, la musique, l’insouciance. On peine à imaginer les hauts fourneaux, les préfabriqués, l’acier en fusion, la grisaille et de jeunes ouvriers se portant volontaires pour partir faire la guerre à des milliers de kilomètres de chez eux.


Un élément essentiel du film est cette roulette russe, sublimement représentée sur l’affiche. Cimino prit une liberté en l’incluant dans son film car aucun cas ne fut mentionné dans les chroniques de cette guerre. Ce jeu macabre apporte une énorme tension dans le film. Le spectateur est dans l’attente angoissante du déclic de la gâchette et appréhende ce que contient le barillet.


L’œuvre est l’une des plus oscarisés du cinéma grâce à ses 5 Oscars dont celui du meilleur film. Le casting est parfait avec un De Niro, interprétant Mike, plus charismatique que jamais. Son histoire d’amour compliquée, mais passionnée, avec Linda, est vraiment touchante. Meryl Streep est très bien dans son rôle de femme pétillante, digne et aimante. Christopher Walken reçut l’Oscar du meilleur second rôle masculin pour son interprétation de Nick. Voyage au bout de l’enfer fut également le dernier film d’un grand acteur, John Cazale, qui était marié à Meryl Streep et qui décéda avant la fin du tournage. Cet acteur a toujours su toucher le spectateur par sa fragilité et son regard triste et très intense. Une grande perte pour le cinéma.


Voyage au bout de l’enfer est l’histoire de ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent et ceux qui y restent.

Vincent-Ruozzi
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le 21 nov. 2015

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