Voyage au pôle Sud
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Voyage au pôle Sud

Documentaire de Luc Jacquet (2023)

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Dans un noir et blanc contestable tant il a parfois tendance à gâcher la beauté et figer la vie des paysages filmés (et qui sera trahi d'ailleurs au cœur du film pendant quelques secondes assez inexplicables), Luc Jacquet raconte ce qui le pousse, dans la lignée de nombreux aventuriers, à retourner sans cesse vers les déserts glacés de l'Antarctique.

Derrière la proposition intime et historique se dessine pourtant dès la première minute une tentative pas si cachée d'autobiographie narcissique, ce que révèle l'emploi abusif de la voix off et de la propre silhouette du réalisateur, toujours montrée de dos, floue, en ombre ou saisie de loin. De sa voix grave affligée, il psalmodie un chapelet de phrases brumeuses et pauvrement philosophiques il interpelle les autres, la faune et la flore avec un "tu" qui le place en démiurge maladroit, à distance, le spectateur ainsi mis dans la position de celui qui n'a pas vu et donc ne sait pas.

L'évidente beauté des paysages, de la matière, des roches saillantes et de leurs formes taillées vif, est gâchée par des effets visuels agaçants et prétentieux qui ne font que polluer l'expérience : jeux de flous, gros plans, ralentis, lecture à l'envers... A quoi s'ajoutent une musique de presque chaque instant (choix surprenant pour un film qui célèbre le grandiose silence du Continent blanc) et des effets sonores trop riches qui donnent un sentiment d'aritificialité à de nombreuses images.

Mais à longueur que le film justifie son titre et que le navire traverse les latitudes vers les terres australes, le film tend progressivement à l'épure, le silence s'installe, la voix se fait plus rare, plus informative, plus juste, et les plans plus rares rendent enfin l'hommage tant attendu à la beauté de la nature. Quelques moments s'avèrent même saisissants tant le noir et blanc enfin justifié parvient à jouer avec les échelles, les proportions, les matières et les textures, tendant parfois à une remarquable abstraction.

Et finalement le voyage intime, au-delà de la figure secondaire de l'aventurier rondouillard qu'est devenu Jacquet, émeut lorsque ce dernier rencontre à nouveau, près de 20 ans plus tard, ceux à qui il doit beaucoup : les manchots empereurs, comme si tout ce que nous avions vu n'avait été qu'une excuse enfantine pour retrouver ses amis.

Créée

le 27 déc. 2023

Critique lue 107 fois

Charles Dubois

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