Voyage au pôle Sud
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Voyage au pôle Sud

Documentaire de Luc Jacquet (2023)

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Voilà que mon plaisir est d'aller voir un film sans voir la bande annonce au préalable. De fait, la profuse réjouissance se fait par la découverte des images qui défilent devant moi pour une unique et première fois. Or là, ce fut la déception du noir et blanc, eusse-je vu la BA auparavant, n'eusse-je pas été autant déçu...

D'un "voyage au pôle sud", le film débute par un récit plus que long dans un endroit assez vague, serait-ce en Amérique du Sud que se trouvent forêts vertes et hautes montagnes ? La réponse n'en est pas assurée et l'intérêt est perdu. Si seulement un lien relié les deux, c'est-à-dire l'Amérique du Sud et le pôle sud, on aurait pu comprendre ce fameux monologue qui guide les plans d'un drone survolant ces forêts et ces chemins prodigieux.

Le choix esthétique d'un noir et blanc est assez osé : prendre le parti pris de cet aspect chromatique doit servir, si non au récit, alors à une valorisation de l'esthétique du film. Toutefois, la perte des couleurs au sein des plans ne révèle que peu de chose. A la déception du spectateur qui s'attendait à un climat hiémal où blancheur suscite sensation de froid, s'ajoute le manque de vie du film tout entier. En effet, un plan séquence en couleur de deux minutes, filmant la démarche drôlement hiératique de manchots, aurait valu plus que toutes les scènes du film. La voix narrative explicite son ressenti, ses émotions et son intérêt pour ce climat si différent et violent, on eût préféré moins de bruits humains et plus de sons diégétiques (le must) de l'environnement antarctique. Imaginez filmer cette troupe de manchots qui badinent au gré du vent hivernal, dans une démarche qui, sans trop savoir pourquoi, ns fait rire, le tout d'une rumeur naturelle, où vent, froid et mer nous emportent pour vivre à leur côté. Pourtant, ce doux rêve est gâché par une voix-off qui, non pas écrivasse, mais parlasse de banalités écologiques et sensationnelles (fût-il encore quelques personnes possédant un cerveau qui ne sont pas au courant de la catastrophe climatique ?). En sus, pour entrer de plain-pied dans le cliché, grincement de violon et touchés de piano surenchériront l'aspect pittoresque que veulent susciter les images. Mais cela est définitivement bafoué : il faut préférer le silence au son, si ce dernier n'apporte rien de plus, pour reprendre l'idée de Bresson.

Enfin, la durée est problématique. Comment faire ressentir ou peindre quelque chose, si la caméra n'a même pas le temps de filmer ? Les plans sur ces animaux sont trop courts, et, par là même, ne concourent pas à faire du film un vrai "voyage au pôle sud". Si on est aventurier, on doit expérimenter, vivre et frissonner ; mais si on est réalisateur, on doit faire en sorte, autant que possible, de retranscrire par l'image et le son, ce dont il est question : voyager au pôle sud.

Créée

le 30 déc. 2023

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