Par des situations optiques et sonores pures, déconnecté de la narration, et un récit presque absent et sinueux, Voyage of time peut en dérouter plus d'un.
Mais de la à lui mettre 1 ?!
Remontons au fil du temps avant tout. Au 19° siècle, l'art prends toute une autre tournure, car TOUT peut être art. Le laid, l'inutile, le passif, le vite fait. Cela chamboule tout, y compris le cinéma qui se divisera donc en deux catégories:
1) Le cinéma classique, héritier du lourd héritage d'Aristote, presque inscrit dans nos gênes . Le cinéma en majorité écrasante, celui ou il se passe toujours la même chose, en une infinité de variété: Quelque chose se passe, un personnage le perçoit, en est affecté, et (ré)agit. Vous faites tous parti de cet héritage si un film sans histoire peut vous choquer et donc provoquer un rejet en bloc; c'est "normal", car déroutant...
2) Le cinéma esthétique/moderne. Il peut y avoir une histoire, mais elle passe au second plan, car il s'agit avant tout d'une EXPÉRIENCE perceptive.
Voyage of Time, vous l'aurez donc deviner, appartient à la seconde catégorie. Car oui, le cinéma est possible sans histoire ; l'espace et le temps ne sont plus esclaves du récit. L'essence même du cinéma, l'image, est au premier plan.
Il peut alors en émerger des espaces quelquonques, des plans vides, sans présence humaine, qui se multiplient et se prolifèrent; l'espace n'est pas raccordé, pas cohérent, on peut s'y sentir perdu, sans repères.
La temporalité est floue, confuse, on ne sait ce qui appartient au passé, au présent, au futur - à l'imaginaire, ou à la réalité.
Ce genre de film demande une certaine distanciation, un certain recul dont certains ne sont pas capables; ils aiment le cinéma "classique", c'est "normal". Ici, on demande un certain effort. Le fond et la forme se conviennent, car Voyage of Time, c'est avant tout un questionnement à la fois extrêmement large et extrêmement précis sur le sens de la vie ... rien que ça !
Voyage of time n'a aucun sujet auquel s'identifier, car nous sommes tous concernés. Quel que soit l'espèce.
Voyage of time n'a aucune temporalité - car elle couvre la préhistoire comme le moment présent en même pas deux heures. Rien de linéaire car son questionnement n'a jamais eu, et n'aura probablement jamais, de réponse.
Voyage of time n'a aucune limite géographique, car l'oeil de la caméra est ubiquitaire; Il se pose partout, comme la Vie et ses questionnements universels.
Certes, le projet d'un tel documentaire est extrêmement ambitieux. Pire peut-être, il nous laisse en suspens, sans réelle réponse - et c'est sans doute mieux ainsi...
Il nous prends la main, nous invite à une balade contemplative dont seuls ceux capables de penser le cinéma autrement que par une histoire pourront réellement apprécier.