Un petit noir avec Robert Mitchum, ça se tente.

Malgré les petites ratures sur le papier, on en a pour son argent : du Mitchum bien mitchumien, avec les yeux tombants et la banane chahutée par les embrouilles, une nana à problèmes, un piège à cons bien crasseux, une fatalité bien costaude, déveine absolue. Les héros creusent leur tombe avec une drôle de vigueur ! Le vrai bon film noir !

Les derniers John Farrow que j'avais vus ne m'avaient pas paru bien composés, filmés sans imagination, pas toujours très équilibrés dans le rythme. Or, celui-ci est très bien réalisé. Certes, John Farrow ne nous sert pas de très grands moments de cinéma, mais quelques plans par-ci par-là dénotent une bonne maîtrise des codes du film noir. D'autre part, le rythme est excellent. La lecture de cette histoire est d'une belle fluidité.

Très efficaces, le scénario comme la mise en scène sont toujours très soigneux pour décrire une évolution bien "noire", bien dépressive. Dans leur lente descente en enfer, les deux héros rencontrent toute l'Amérique moyenne, de la plus sympathique à la plus répugnante. À chaque étape, c'est à un pan de l'humanité qu'ils ont à se confronter mais, enfermés dans leur course folle, bons et méchants ne font plus qu'une seule et même figure, celle du danger, la mort assurée. Et les deux personnages de courir de façon encore plus effrénée, jusqu'à un destin qu'on devine sale.

En fait, le gros problème de ce film est Faith Domergue. Ce n'est pas qu'elle soit foncièrement mauvaise, mais elle n'a pas une once de charme. Je ne sais pas ce qui cloche chez cette jeune femme, ses yeux un peu mornes ? Autant cette trogne de cocker fatigué va comme un gant à Robert Mitchum, autant chez cette actrice c'est d'une grande tristesse. Son rôle n'est pas évident et elle assure l'essentiel : plutôt crédible, sans excès. Seulement, elle ne dégage rien. C'est d'autant plus frappant qu'elle est face à un monstre de charisme.

Robert Mitchum peut jouer n'importe quoi. Ici, il est censé être un chirurgien. Il a autant l'air d'un chirurgien que moi d'un biniou... et on s'en fout. Totalement. Il avale l'écran. Il fait partie de ces types qui attrapent la lumière sans qu'on sache bien le pourquoi ni le comment.

Si vous n'êtes pas sensible à la mitchumitude suintante du film, vous trouverez sans doute pleine satisfaction (sur un temps très court, il est vrai) lorsque Claude Rains fait son petit numéro d'artiste, en tout point goûtu. En ce qui me concerne, sa scène est un délicieux petit moment, il est parfait, obséquieux, méchant, perfide, dégénéré, sa diction et son attitude au millimètre!

En somme, un petit noir pas mal du tout, recelant quelques bonnes petites scènes et qui valent à elles seules le coup de rétine, assurément!
Alligator
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le 10 mars 2014

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Alligator

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