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Ce qui est bien avec Sophie Letourneur c'est qu'elle ne fait jamais le même film, elle a toujours de nouvelles idées de cinéma à explorer. Ici on a donc un film de vacances, qui a en plus une tronche formelle de film de vacances (il y a de l'autofocus, des zooms et le tout semble être filmé à la caméra vidéo). Voyages en Italie a le bon goût de se placer sous l'égide de Rossellini. Voyage en Italie (au singulier) et Stromboli sont explicitement cités, mais sans que ça soit des références pensantes puisque le personnage de Sophie Letourneur dit ne pas les avoir vu et part dans une autre direction. On garde peut-être éventuellement le même point de départ que Voyage en Italie, avec ce couple qui bat de l'aile et qui espère se retrouver. Encore que.. ici, il n'y a guère que le personnage de Letourneur qui y croit, celui de Katerine n'y croit pas une seconde. Finalement l'enjeu entre le film de Rossellini et celui-ci ne sont pas les mêmes. Ici la question n'est même pas tellement : vont-ils rester ensemble. Elle veut surtout nous faire ressentir ce que c'est réellement que des vacances.


Mais résumer le film à un film de vacances, ce n'est pas lui rendre hommage !


Disons que Letourneur pourra se vanter d'être parmi les rares cinéastes à avoir réussi à capter ce que c'est que les vacances. Forcément c'est un peu exagéré pour que ça soit drôle (la tête et l'air benêt de Philippe Katerine sont parfaits), mais tout ce qui fait les vacances est là dans la vraie vie est là. Elle esquive tous les passages obligés pour se concentrer sur ce que c'est vraiment que de partir quelques jours...


C'est d'abord se prendre la tête pour savoir où l'on va aller, s'engueuler avec son conjoint sur la destination, trouver que c'est trop loin, trop cher, trop polluant, pas assez original... C'est aussi les imprévus cons (ici une entorse) pour essayer de trouver un prétexte pour ne pas partir... Bref elle a parfaitement senti ce que c'est que des préparatifs : beaucoup de bruit, de tracas, pour pas grand chose. D'ailleurs j'étais surpris qu'elle fasse durer cette partie aussi longtemps dans le film, à se demander s'ils allaient vraiment partir. Je crois qu'il n'y a guère que chez Rozier dans Les Naufragés de l'île de la Tortue qu'on ose s'attarder aussi longtemps sur des préparatifs... Rien que pour ça, on sent déjà une clairvoyance et une capacité à sentir ce que sont les vacances du début à la fin (et surtout la fin, mais j'y reviendrai).


Et enfin lorsqu'on part, c'est beaucoup de micro disputes pour trois fois rien... Et c'est là que le duo d'acteur fonctionne vraiment bien, parce que Katerine est simplement insupportable, un gros bébé, à ne jamais savoir ce qu'il veut, à être stressé pour tout... Les situations sont vraiment drôles, parfois totalement absurdes et pourtant on est jamais loin de la réalité... D'ailleurs c'est également bien trouvé d'avoir mis à plusieurs reprises en toile de fond la gestion du gamin à distance avec les grands-parents. On ne voit jamais l'enfant, mais il est là, son absence pèse, il manque...


Mais je pense que la grande trouvaille du film c'est la dernière partie, ce qu'on fait lorsqu'on est rentré : on se souvient... Et c'est ça qui est fabuleux dans le film c'est que tout change, la mise en scène, la photographie, la narration et même les personnages... On sent qu'il s'est passé quelque chose, que quelque chose malgré le bordel et les engueulades, se souvenir d'un moment passé ensemble, ça ressoude un couple. Il y a une alchimie touchante qui se dégage de toute cette séquence, on comprend sans le dire pourquoi ils sont ensemble.


D'ailleurs c'est la force de Letourneur, montrer mais sans dire. J'adore ce moment où elle met une nuisette sexy et Katerine ne daigne même pas la regarder, il se couche et elle décide alors de mettre son pyjama. Tout est dit, mais sans paroles. On a compris ce qui s'est joué là, quel était l'enjeu sous-jacent de la scène.


Bref, ça fonctionne vraiment bien et pour ça c'est un très bon film.


Rien ne ressemble plus au fait de partir en vacances en couple que ce film...

Moizi
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le 17 mars 2023

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Moizi

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