Ne pas se fier à l'affiche nanarde, merci ...
Atroce. Sûrement l'un des films de guerre les plus dérangeants jamais tournés. Balabanov est complètement fou d'avoir pu réaliser un film pareil en pleine guerre contre la Tchétchénie. Exit donc le relativisme humaniste du Prisonnier du Caucase tourné avant la deuxième vague de guerre entre russes et tchétchènes, Balabanov nous promet du sang et des larmes. La scène d'ouverture donne le ton : deux otages russes décapités face caméra par les tchétchènes. Les 25 premières minutes sont absolument insoutenables, d'une brutalité et d'une frontalité qui fait passer Requiem pour un Massacre pour un film pour enfants (bon, j'exagère peut-être un peu). Après, c'est la libération des otages, donc le film se pose un peu, se calme même si la tension reste au rendez-vous du fait de l'enjeu colossal : si John ne revient pas avec les 2 millions de rançon dans les deux mois, sa fiancée sera violée puis décapitée. Et le film revient à la charge ensuite avec des séquences à la limite du regardable.
Bref, il faut savoir que le film a été très très controversée pour plusieurs raisons : sa violence physique et morale évidemment mais certains ont également reproché à Balabanov son approche pro-russes et anti-tchétchènes.
Du coup, j'ai regardé le film en m'attendant à une bonne grosse propagande et en fait absolument pas (ou pas autant que je l'aurais imaginé du moins). Le début peut laisser penser qu'il s'agit en effet d'un film prenant résolument parti pour les russes vu la description qui est faite des geôliers de Ivan et de John : des monstres sanguinaires, bestiaux qui n'hésitent pas à malmener physiquement et moralement leurs prisonniers, à les mutiler pour certains d'entre eux. Bref, une belle brochette de tarés bien flippants. Mais en fait, c'est une véritable projection qui est faite par Balabanov, tout étant vu sous l'oeil de Ivan, un russe violent et raciste comme le montre bien le film par la suite. D'ailleurs, la suite du film apporte pas mal de nuances au postulat de départ : Ivan utilise également des méthodes abjectes pour parvenir à ses fins, massacrant cyniquement femmes et enfants tchétchènes, sans la moindre scrupule (je pense à une séquence horrible en particulier).
Du coup, c'est un film à la limite du regardable, extrêmement dérangeant, vomitif parfois mais qui est absolument virtuose dans sa frontalité extrême, et admirable dans son refus des concessions au spectateur. Je lui reproche d'être parfois limite politiquement parlant et d'utiliser certaines facilités vers la fin du film, qui le transforment davantage en actioner efficace plutôt que de le laisser dans cette tonalité brutale enragée qui sous-tend la première heure et demie. Il y a aussi quelques maladresses de réalisation mais des partis-pris audacieux également, comme la profusion de dispositifs visuels (lunette de visée, caméra d'enregistrement, vidéo-surveillance) qui renforce la tension.