A la veille de la sortie française de Boyhood, le nouvel opus expérimental de Richard Linklater, je souhaite revenir sur l'une de ses oeuvres inédites dans les salles françaises.
5 ans avant son adaptation du roman de Philip K Dick "Substance mort", le jeune cinéaste indépendant utilise une technique d'animation rotoscopique qui consiste à retravailler les images filmées en live par une caméra numérique pour filmer des discours philosophisues et filmer les errances du jeune homme qui les entend. Il s'animera d'ailleurs au fur et à mesure du film et des rencontres pour de passif, devenir un interlocuteur actif.
Le titre "état de veille" est emprunté à un philosophe américain d'origine espagnole et annonce même avant le générique la couleur.
Le propos ne sera ni léger ni inconséquent. Il reprend ici le principe des longs échanges entre les personnages qui feront le succès de sa trilogie Before... Seulement là d'une scène à l'autre les interlocuteurs changent.
Il s'agit de dialogues autour de thèmes aussi fondamentales que la réalité, le rêve, la mort, le libre arbitre de l'être humain ou la relation à l'autre. La poésie de certains passages est absolument sidérante et le style si particulier ajoute à la singularité de cette oeuvre.
Ce n'est certes pas un film facile d'accès, les notions de philosophie abordées ne sont pas vulgarisées mais référencées. Kierkegard, Nietzsche, Jung et autres sont mentionnés et leurs pensées décortiquées.
Un jeune homme descend d'un train et commence un rêve éveillé. Il rencontre divers personnages étranges, poétiques et loufoques avec lesquelles la philosophie et les échanges sur le sens de la réalité seront le centre du métrage.
Pour faire avancer sa réflexion Richard Linklater fait appel à son couple fétiche (Célin et Jesse) mais aussi à sa fille Lorelei entre autres. Tous se retrouveront sur la route de ce jeune homme qui vit à la frontière du réel, ne sait pas où il en est et absorbe toutes les idées qui lui sont transmises comme une dose supplémentaire de stupéfiant.
Plus les concepts lui arrivent, plus l'imaginaire prend le pas sur la réalité.
Les décors dansent, l'esprit s'élève au dessus.
Il ne faut pas chercher de cohérence dans le scénario car il n'y a pas d'intrigue à proprement parler mais une succession de dialogues. Il faut se laisser porter par la profondeur des dialogues qui habitent chacune des scènes du film. Un film à vivre qui prête à réfléchir et qui par l'originalité de sa forme, marquera la mémoire cinéphile.