Encore un biopic,celui du chanteur américain Johnny Cash.C'est réalisé par James Mangold,qui a aussi écrit le scénario en adaptant l'autobiographie de l'artiste.La forme du film est classique et se conforme aux normes du genre,avec un début au fameux concert à la prison de Folsom en 68,où Johnny se remémore comment il en est arrivé là,ce qui entraîne des flashbacks de son enfance puis le déroulé chronologique de sa vie.Mangold livre un travail appliqué sans grande originalité,se reposant essentiellement sur la force de son sujet.Il a évidemment dû opérer des choix,ce qui provoque des ellipses et quelques déséquilibres,l'accent étant mis sur la longue,compliquée et tumultueuse histoire d'amour entre Cash et la chanteuse June Carter.Du coup on regrette que l'aspect créatif soit un peu absent d'un film qui montre fort peu l'artiste en train de composer,de répéter ou d'enregistrer,ce qui est heureusement en partie compensé par de nombreuses scènes de concerts et la diffusion de pas mal de titres.On se concentre donc sur la vie sentimentale de l'homme en noir,non ce n'est pas Ardisson,en passant rapidement sur ses difficiles jeunes années.Cash est à l'origine un petit péquenot de l'Arkansas,fils de paysan pauvre traumatisé par la dureté,la brutalité et le mépris d'un père pas franchement marrant et l'horrible décès de Jack,son frère aîné adoré,dont il ne se remettra jamais vraiment.Influencé par sa mère férue de musique,il s'intéresse très tôt à la chanson mais son paternel réprime sévèrement ce goût qu'il développera lors de son service militaire en Allemagne,où il commence à écrire des textes.De retour à la vie civile,il se marie avec Vivian,devient papa et prend un job de représentant de commerce.Mais il poursuit parallèlement son rêve et monte un groupe avec ses potes Luther Perkins et Marshall Grant,qui seront à ses côtés durant toute sa carrière.Il finit par décrocher une audition chez Sun Records,un petit studio d'enregistrement de Memphis dont le patron,Sam Phillips,produit son premier disque.Le succès sera rapide et Cash devient vite une vedette,partant en tournée avec d'autres pointures telles qu'Elvis,Jerry Lee Lewis et surtout June Carter,qui s'était fait connaître dès l'âge de dix ans avec le groupe qu'elle formait avec ses soeurs,les Carter Sisters,dont il tombe immédiatement amoureux.Cash est un géant de la musique américaine,qui fit carrière à partir des années 50 et mourut en 2003,quelques mois après June,Sam Phillips décédant également cette année-là.Le film n'est pas une hagiographie car le chanteur est présenté comme un gros plouc talentueux mais impulsif qui pétait les plombs à répétition et se révélait souvent ingérable.Tombant dans tous les pièges de la célébrité,l'alcool,la drogue,les groupies qu'on baise après le spectacle,il deviendra accro aux pilules,ce qui impactera sérieusement sa santé et sa carrière et lui vaudra un séjour en taule avant que son amour pour June ne le sorte de là.Miné par les traumatismes de son enfance et sa culpabilité chrétienne au sein d'une Amérique encore très puritaine,car il souffrira de tromper sa femme et de peu voir ses enfants,il parviendra quand même à laisser une trace non négligeable dans l'Histoire de l'industrie musicale.Il est vrai que le bougre était sacrément doué.Une voix puissante et enveloppante,une présence scénique charismatique,une façon unique de chanter et tenir haut sa guitare,il imposera un mélange de styles très particulier convoquant la country,le rock,le blues,le folk;le bluegrass et le gospel de ses débuts.Véritable machine à tubes,il enquillera un paquet de hits incontournables qui font autorité aujourd'hui encore et que le film diffuse opportunément.Pas mal pour un type qui a adopté son style parce que lui et ses amis n'arrivaient pas à jouer plus vite et qui a choisi sa mythique chemise noire parce que c'est la seule correcte qu'il ait eue le jour de l'audition. Les séquences de tournées sont fantastiques et donnent le sentiment d'entrer dans la légende,comme dans "La Bamba" de Luis Valdez,l'avion en moins.Les longues routes entre deux villes,les motels anonymes et identiques,les conneries avec les copains,les crises de nerfs avec destruction de chambres dans la plus pure tradition rock'n roll,et surtout la scène,les déhanchés sauvages d'Elvis,Jerry Lee qui "joue du piano debout",l'autoharpe de June et Johnny lançant son "bonjour,je suis Johnny Cash" en déboulant sur les planches avec Luther et Marshall.Toute une aventure sur des dizaines d'années,de Memphis à Nashville en passant par Folsom,des trucs comme on n'en verra plus,avec Cash interrompant une chanson afin de demander June en mariage ou s'écroulant sur scène,complètement shooté,et les colères de miss Carter,la seule de la bande à avoir de la jugeote,face à l'irresponsabilité de ses camarades qui se comportaient souvent comme des gamins.Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon,totalement immergés dans leurs personnages,sont purement fabuleux.On est habitués à ce genre de performances venant de l'acteur mais la jolie Reese est stupéfiante et obtint un Oscar bien mérité pour ce rôle.Le reste du casting est à la hauteur,à l'exception de la pauvre Ginnifer Goodwin,qui ne progresse décidément pas et incarne une Vivian bien faible.Robert Patrick fout vraiment la trouille en père détestable,presque plus que dans "T2",et Dallas Roberts est un Phillips parfait,autoritaire et avisé.Dan John Miller,qui tient la basse de Perkins,et Larry Bagby,qui hérite de la contrebasse de Grant,sont des comparses exceptionnels.On remarque parmi les producteurs la présence du comédien James Keach et surtout de John Carter Cash,le fils de June et Johnny.