Après un quasi sans-faute, les studios Pixar décident de s’attaquer à un nouveau genre, et pas un des moindres, à savoir celui de la science-fiction. C’est un genre en général assez « casse-gueule », qui peut donner des chefs d’œuvres et des ratés. Beaucoup prédisaient le premier raté des studios Pixar, c’était mal les connaître et notamment son réalisateur : Andrew Stanton. Ce dernier planche depuis de nombreuses années sur l’écriture de ce film (bien avant de faire le Monde de Némo) mais comme il le trouve trop « ambitieux », il préfère se diriger vers un projet jugé plus sûr : Nemo. Une fois le succès (tant critique que commercial au rendez-vous), il a plus de légitimité au sein du studio et les hauts dignitaires du studio sont plus enclin à l’écouter.
Stanton développe le film sous le titre Trash Planet pendant deux mois dès 1995, avec Pete Docter, mais ne voyant pas comment poursuivre l'histoire, Pete Docter choisi alors de réaliser Monstres et Cie à la place. Trouvant une analogie entre le fait que WALL-E soit le seul habitant d'un monde désert et l'image d'une plante poussant sur un trottoir, Stanton a alors l'idée que WALL-E puisse trouver une plante. Puis Stanton se détourne et travaille alors sur d’autres projets mais en 2002, Stanton a recommencé à écrire WALL-E en y incorporant une romance avec un autre robot (une idée venant de Lasseter), la production du film a alors pu commencer…
Pour commencer je dois dire que j’ai été impatient de revoir ce film car je me souvenais des grandes lignes de l’histoire, mais c’est un des films du studio que je connais le moins. Dès l’intro j’ai été scotché de par la qualité de cette dernière, j’avais adoré celle de Némo (du même Andrew Stanton), à la fois touchante et cruelle, celle-ci est également de très bonne facture puisqu’on voit l’état de la planète sur une musique tirée du film « Hello, Dolly ! », que l’on soit enfant ou adulte, juste à travers la qualité de l’introduction on arrive à se rendre compte que la Terre est pollué de partout et que Wall-E est seul (comme le montre le plan qui dézoome lorsque Wall-E descend de sa tour de détritus où on ne voit pas une trace d’être vivant à l’horizon (mis à part le cricket). C’est clair, c’est simple et c’est diablement efficace, pour poser les bases.
Le pitch du film est assez simple mais plutôt osé : puisqu’il ne reste sur Terre qu’un robot, en effet la planète est trop polluée à cause de la consommation de masse prôné par la compagnie BnL (Buy N Large dont la traduction est assez claire), qui est carrément devenue une sorte de gouvernement mondial suite à ses profits monstrueux, cela a eu pour conséquence de rendre la Terre inhabitable pour les hommes. J’y vois ici une première critique de notre société, notamment de notre façon de consommer. Ça s’est juste pour l’introduction. Maintenant passons à la première partie du film,
à savoir jusqu’à ce que Wall-E parte de la Terre pour suivre Eve
, je dois dire que c’est la partie que je préfère dans le film. Elle est pleine de tendresse, d’amour et aussi d’humour,
puisqu’on se rend compte que le petit robot est seul sur Terre (excepté le petit cafard) depuis de très nombreuses années (voir siècles ?) et qu’il n’a jamais connu l’amitié ou même l’amour.
De plus cette partie du film est rempli de plan somptueux que ce soit au niveau des couleurs ou des textures
(le plan où lui et Eve admirent la Lune ou encore celui où il prend la main d’Eve pour la première fois <3)
, il fait sans conteste partie des plus beaux films en termes d’animation et de graphismes que j’ai pu voir. J’ai par exemple adoré son « chez-lui » (désolé je ne sais pas comment l’appeler puisque c’est pas vraiment une maison),
tout son côté pittoresque ressort à travers, que ce soit avec toutes les babioles qu’ils collectionnent et gardent précieusement ou encore son côté rétro affirmé avec plein de clins d’œil comme le Rubik’s Cube, la VHS Holly Dolly !,…
L’introduction du personnage d’Eve fut également relativement bien menée, en insistant sur le fait qu’elle soit différente de Wall-E
(tant au niveau technologique, que du caractère où aux premiers abords elle n’a aucune personnalité et veut juste mener à bien sa mission
), c’est ce qui rend leur relation si particulière notamment dans la première partie
où Wall-E initie sa « Juliette » aux « petits plaisir » (regarder la lune qui se lève, les étoiles, ou encore danser !).
Cela m’amène maintenant à parler des protagonistes du film, Wall-E est pour moi l’un des meilleurs personnages Pixar crée de par sa personnalité attendrissante et naïve mais aussi son physique qu’il le rend si charismatique et mignon, qu’on a envie qu’une envie c’est de le serrer dans ses bras. L’idée de Stanton de s’être inspiré de jumelle pour faire sa tête est juste géniale et relativement ingénieuse, cela confère à Wall-E une âme qui le rend humain. Eve, elle me fait penser à un produit « Apple » un produit au design épuré, elle est au début assez froide et antipathique vis-à-vis de Wall-E. Cependant leur relation évolue notamment
dans la deuxième partie lorsque Wall-E est contraint de prendre la fuite dans une capsule puisqu’il fait pas mal de grabuges sur le vaisseau, il est alors épaulé par Eve.
Et lorsque sa capsule explose, on peut lire la détresse sur le visage d’Eve avant de la voir étonné puis soulage de voir Wall-E en vie, en train de voler dans l’espace grâce à un extincteur (une des plus belles scènes du film).
Cependant je pense
qu’Eve n’éprouvera de l’amour pour Wall-E que lorsqu’il se sacrifie pour ne pas que la machine qui contient la plante se replie, et que le vaisseau puisse retourner sur la Terre.
Puisque suite à cela, Wall-E va perdre la mémoire mais Wall-E va alors
diffuser des enregistrements de lui en train de chouchouter sa dulcinée sous la pluie, dans le froid alors qu’elle était en mode « repos ».
Et c’est ça qui m’embête un peu dans le film, le fait qu’elle se sente redevable envers Wall-E et qu’en voyant les enregistrements elle se rend compte de tout ce qu’il a fait pour elle. C’est beau mais ça manque de spontanéité et de subtilité je trouve.
Toujours dans la deuxième partie, on assiste
à l’introduction des humains, on les découvre obèses, assisté par la technologie et complétement amorphes, bref c’est une véritable satyre de ce que provoquer la consommation de masse.
Ce film dénonce aussi le monopole des grandes firmes transnationales, ici représenté par BnL, qui cherche à être présent partout où ils le peuvent : dans l’alimentation, la robotique, puis la politique… Ce sont des compagnies qui voient toujours plus hauts et plus grands (souvent trop dans certains cas) et qui n’ont qu’un but faire toujours plus de profits. Et je trouve que ce sentiment est bien renvoyé à bord de l’Axiom où on voit
tous les occupants faire toujours la même chose en même temps, il y a une sorte d’uniformisation qui se crée et qui est dénoncé par le studio à travers ce film. Ce film offre donc un paradoxe intéressant où les robots semblent plus humains que les vrais humains qui sont en train de s’abrutir sur leur vaisseau.
La fin est très belle et plutôt réussi puisqu’au final on se rend compte que
malgré tous les sentiments humains qui l’animent, Wall-E n’en reste pas moins un robot qui peut changer de pièces, de processeur (comme nous on change de vêtement, quoi !). Donc les dommages physiques qu’il subit ne sont pas si importants pour lui. Cependant il n’arrive toujours pas à retrouver la mémoire (je rappelle qu’il a été réinitialisé) et le fait que ce soit par un « baiser d’Eve » qu’il la retrouve fait clore de la meilleure des manières cette belle histoire normalement impossible.
Un autre point fort du film réside dans le travail du son de l’excellent Ben Burtt (qui a déjà travaillé sur la prélogie SW) qui donne littéralement vie aux robots et notamment à Wall-E de manière inédite et spectaculaire, le résultat est tout simplement bluffant, puisque c’est lui qui fait paraitre les robots plus humains en les animant de sentiment. Impensable qu’il n’est pas obtenu la statuette pour le mixage sonore…
En parlant du son, que dire de la performance orchestrale de Thomas Newman qui livre une performance majuscule, celle qui me vient naturellement est « Define dancing » (quand Eve et Wall-E dansent dans l’espace), rempli de tendresse et de magie mais également le très atypique « Wall-E » pour introduire mon petit robot préféré et enfin je terminerais par le très entrainant « First Date ». La musique de fin de Peter Gabriel et Thomas Newman est elle aussi très agréable à écouter, sorte de ballade mêlant à la fois le rock et le gospel. Là encore toujours pas de récompense pour Thomas Newman (à l’heure actuelle, il en est à 12 nominations sans avoir gagné l’Oscar, il a quand même pu se consoler avec le Grammy !). J’ai bien aimé que le générique de fin nous montre un peu la suite des événements avec la recolonisation humaine sur la planète, le tout en forme d’animation simple, au moins ça rend le générique de fin intéressant à suivre.
Le film devient vite un véritable phénomène acclamé par les spectateurs du monde entier et la critique, il ne récoltera pas moins de 6 nominations aux Oscars, ce qui constitue encore à l’heure d’aujourd’hui un record.
A la fois dystopique, écologique (son message me touche beaucoup personnellement, je n’ai pas envie que la planète devienne une poubelle géante à cause de nous), mais aussi plein d’audace, ce film ravira toute la famille que l’on soit petit ou grand. Stanton réussit son pari et signe un film à la fois touchant et engagé, qui fait date dans l'histoire de l'animation.
Quant à savoir si cette histoire est juste de la science-fiction, ou une réalité qui nous attend dans les prochaines années ou décennies, nous verrons bien. En tout cas, on ne pourra pas dire que l’on a pas été prévenu…