Jeu de nains, jeu de pingouin

Mine de rien, cela fait depuis 2008 que nous n'avions pas eu droit à une aventure de Wallace et Gromit... Que le temps passe vite ! Et que le plaisir se fait rare...

Car Wallace et Gromit, et plus généralement chacun des opus du studio Aardman, c'est toujours, à la fois, une douce régalade et une déclaration d'amour du travail bien fait. Ce sont aussi des oeuvres qui, chose de plus en plus rare, réussissent malgré tout à conserver la fascination ainsi qu'une certaine forme de magie de l'animation, qui tendent à être purement et simplement gommées par la standardisation de la 3D et de son esthétique.

Chaque film du studio Aardman, c'est aussi une certaine forme d'excellence que cette Palme de la Vengeance vient rappeler en ce début d'année 2025. Un nouveau festival de drôleries avec cette petite touche d'humour à l'anglaise inimitable, de références convoquées, de simplicité et d'absence de cynisme imparable à l'heure de notre époque animée par ses dérisoires passions tristes.

Oh, il y en aura bien sûr pour vous dire que Aardman fait finalement comme tous les autres studios, à revisiter son patrimoine pour en revivre les heures glorieuses. Qu'ils ne se sont pas foulés dans ce qui ne serait finalement qu'un revival / suite d' Un Mauvais Pantalon.

Sauf que cette Palme de la Vengeance réussit à actualiser le propos que n'a jamais cessé de soutenir notre improbable duo, tandis que l'oeuvre explore le terrain au delà du simple chaos domestique. Soit la thématique de l'homme face à la technologie, qui vampirise les relations, déresponsabilise et, mine de rien, tend vers une certaine forme de paresse. Les yeux de Gromit en disent long quand son maître le soumet à une froide machine à caresses, ou quand il est présenté à ce Norbot qui le privera de l'entretien de son jardin et de son terrain.

Un propos critique qu'il sera loisible de plaquer sur le monde de l'animation...

Mais un propos assez loin du c'était mieux avant, dès lors qu'il est clair que La Palme de la Vengeance utilise bien sûr, aujourd'hui, l'art délicat de la CGI sans que celui-ci ne crève l'écran ou ne prenne le pas sur un quelconque ingrédient du délicat mélange d'un succès made in Aardman. Soit un humour toujours aussi vif, des personnages très attachants, de nouvelles têtes immédiatement sympathiques dans ce petit coin d'Angleterre idéale, un peu de folie, à l'image de cette incroyable poursuite en bateau, et un coeur gros comme ça dès lors que le film se recentre sur son tendre duo.

En réussissant à porter à nouveau ce qui rend Wallace et Gromit si uniques, on en viendrait presque à regretter ne n'avoir accès à cette Palme de la Vengeance que via une plate-forme de streaming, tellement cette aventure aurait mérité d'être dégustée sur le grand écran, comme aurait dû l'être La Menace Nuggets il n'y a pas si longtemps.

Mais souvenez-vous un peu de l'accueil tiédasse, à l'époque, de Cro-Man, ce film injustement sous-estimé, quand Aardman essayait d'introduire quelque nouveauté dans son univers animé. Souvenez-vous du gadin incompréhensible de La Ferme Contre-Attaque, dernière exploitation en date dans les salles obscures, devant lequel le public a fait la fine bouche.

Il faudrait peut être comprendre que si Aardman est désormais confiné sur une simple plate-forme de streaming, c'est un peu aussi à cause de nous, au fond. Car on a beau considérer souvent que c'est bien, sommes-nous pour autant allés en salle pour saluer les efforts du studio et les soutenir dans la pratique leur art en voie de disparition ?

Poser la question, c'est aussi un peu y répondre. Tout comme le masqué s'est désolé de constater que, malgré le soutien du N rouge, La Palme de la Vengeance n'était que le septième film le plus successful le jour où il se l'est maté.

Et après cela, il y en aura sans doute pour venir verser des larmes de crocodile quand un beau jour, l'on nous annoncera la fermeture du studio...

Behind_the_Mask, qui reste malgré tout une bonne pâte.