Malgré son thème et la manière dont le marketing s’est emparé du phénomène, l’écriture de Isaac Marion n’est pas du tout comparable à celle d’un Twilight. Warm Bodies fait pourtant partie de ces œuvres repérées sur Internet et qui risquent de se transformer en machine à fric d’une intolérable nullité (coucou 50 Shades of Grey). Mais il n’en est rien. Isaac Marion a su faire de sa nouvelle en ligne I Am A Zombie Filled With Love un roman riche, au style agréable et porteur d’un véritable message sociétal. Truffée d’hommages à Shakespeare, l’histoire est porteuse de références à Roméo et Juliette, jusqu’aux patronymes de ses personnages (R., Julie, Perry, M.) mais ceci sans trop en faire ni agacer.

Jonathan Levine, qui s’est déjà respectivement frotté à l’horreur et au romantisme avec ses deux premiers films, All the boys love Mandy Lane et Wackness, réussit finalement à faire cohabiter trois genres : comédie, romance et horreur. Warm Bodies est un film rafraîchissant qui casse les codes en sortant des schémas habituels du film de zombie, en frôlant le subversif de par son sujet principal, une histoire d’amour entre un mort et une vivante. Finalement, il s’agit bien moins d’un film d’horreur que d’une comédie romantique : ne pas s’attendre à avoir peur. Les seules sensations fortes ressenties lors du visionnage seront des bouffées d’un optimisme invétéré pour l’avenir de humanité.

La majeure partie du film de Jonathan Levine sait capturer la substance du livre, que ce soit le destin tragique des zombies ou l’autodérision menée en permanence par R., avec une excellente gestion de la narration interne menée par le héros. L’on regrette en revanche une fin raccourcie et légèrement modifiée, probablement pour être adaptée à un certain type de public, passant à côté de quelques scènes cruciales et surtout d’une partie du message qui faisait la force de la réflexion menée par Isaac Marion. Une adaptation réussie donc, mais dont le parti-pris scénaristique du dénouement pénalise la profondeur.

Fin presque expéditive mise à part, Warm Bodies est un concentré de bonheur. Levine pratique le second degré avec facilité, mais toujours sans lourdeur, avec de nombreux comiques de situation liés à la condition zombiesque du héros : lenteur, démarche, regard, etc. Ces éléments, liés à une volonté d’être plus humain et à des situations d’ordre romantique, créent un contraste assez irrésistible. Comment draguer lorsque l’on est mort (« don’t be creepy, don’t be creepy, don’t be creepy »)? Comment jouer au baseball ? Les zombies sont en conséquence plus touchants et drôles qu’effrayants. Globalement, le film ne se prend pas au sérieux, s’auto-caricaturant même (avec notamment un ralenti complètement ridicule en pleine scène de bataille) de manière complètement assumée.

Et l’alchimie fonctionne sans sombrer dans la niaiserie car ces personnages sont aussi dotés d’une infinie mélancolie. Où le reste du monde a perdu son quotidien, ils ont perdu leur passé. Ont-ils une chance de rédemption ? Ce thème de la rédemption aussi applicable à ces créatures qu’à l’être humain est une valeur forte de Warm Bodies, accompagné de celui de l’impermanence des choses. « More alive means more trouble » affirme R. à propos d’un vinyle – ou est-ce à propos de Julie, ou encore de la vie en général…

Warm Bodies est porté par un casting sympathique : Nicholas Hoult tout d’abord, aperçu dans X-Men : le commencement en tant que Beast, est assez crédible en zombie, humain, ou encore zombie imitant l’humain. Analeigh Tipton, jouant Nora, est quant à elle un petit concentré de vie, montrant bien plus de personnalité en quelques scènes que Teresa Palmer (Julie) en un film entier. Mais pourquoi avoir éludé que le personnage de Nora était, à la base, afro-américain ? A noter également, Rob Corddry, touchant dans le rôle de M, et un Dave Franco qui ressemble terriblement à son frère (pour notre plus grand bonheur).

Deux derniers points positifs et pas des moindres : sa bande originale Rock n’Roll souvent inspirée des années 80, et sa photographie agréable. Les flashbacks, en l’occurrence, sont assez soignés, et ce bien plus que ceux du film Sublimes Créatures qui massacraient des scènes cruciales à l’histoire. Entre filtres rétros, ambiance eighties et le style débraillé post-apocalyptique des héros, on frôle le hype sans trop s’y attarder.
Warm Bodies est donc un film attachant malgré la simplicité de son sujet, relevé par de nombreux traits d’humour, un casting sympathique et une musique sans défauts. On en ressort avec une furieuse envie de vivre.
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le 14 mars 2013

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