Wasabi est une comédie française qui utilise l'humour de situation, sans prétention, sans gros travail à faire pour comprendre. C'est un style de blagues entre San Antonio et Coluche, et ça joue sur les clichés interculturels du Japon, les caricatures de Yakusas violents, et les contrastes visuels et de personnalités entre le sérieux du commissaire Hubert (Jean Reno), le personnage de Momo (Michel Muller) qui déconne tout le temps, et Yumi, une adolescente japonaise qui tourbillonne en couleur neon-flash au milieu du gris de Tokyo.
Dans ce film on voit plusieurs choses sympas que l'on ne trouve nulle part ailleurs:
- D'abord il y a les vannes de Michel Muller, et plus je revois ce film et plus je suis plié à chacun de ses dialogues. Car il a une façon de mettre les pieds dans le plat qui est d'un comique le plus total. Un autre aurait dit: "elle est bien gaulée" en parlant de sa fille à son père, on se serait énervé. Mais non, il ne faut pas s'énerver, c'est une grosse gaffe de gros gaffeur qui est extrêmement drôle quand tu la prend du bon côté, celui du mec pas très fut-fut qui prend la vie comme une déconnade en permanence, et qui, au lieu d’être drôle et de réussir sa vanne douteuse, se heurte à un Jean Reno de marbre à chaque fois. Et du coup ça marche. Je suis plié à chaque fois! C'est l'humour et le jeu de Michel Muller qui, par contraste avec le sérieux de Hubert et la mélancolie japonaise, fait de ce film un vrai bon film, et fait oublier toutes ses nullités de dialogues.
- Ensuite il y a un mélange de genres pas banal, car on a le portrait du super-flic qui casse la baraque et réussit tout à chaque fois, tel un Bébel ou Zorro. Mais comme c'est en France des années 2000, dans une comédie, on n'y croit jamais. Les bagarres servent uniquement à faire rire, la vieille recette de Chaplin. Mais le personnage de marbre se transforme en amoureux pataud qui pense à son ex, en papa soudainement responsable d'une jeune japonaise, protecteur et sensible. Là c'est plus vraiment drôle, il y a des scènes très touchantes, pas du tout mal jouées, improbables certes, mais pas tant que ça. Car les retrouvailles d'inconnus autour d'un notaire, c'est pas que dans les films. Contrairement à Léon, Hubert a du cœur, est tout aussi maladroit avec les jeunes filles, mais ici, c'est ressenti.
- Après il y a cette actrice japonaise inconnue Ryoko Hirosue, qui joue Yumi et parle le français d'une façon phonétique d'une manière si chantante, un vrai bonheur dans tout le film.
- Enfin il y a le Japon, pas celui des traditions, celui de l'esthétique néon pas du tout zen, et du mental d'une ado qui pète les plombs, de grand truands très riches et très modernes qui sont là pour le suspense, et traquer l'héroïne. Évidemment qu'il y a du danger: dans "certains l'aiment chaud" c'est le massacre de la Saint Valentin qui oblige les musiciens à se déguiser et fuir; et dans Wasabi c'est les Yakusas qui veulent récupérer leur argent et en veulent à la fille. Ça sert juste à cela la violence et les méchants dans une comédie: à permettre au papa héros de protéger et sauver sa fille. Et quand il le fait magistralement et devant ses yeux, pour qu'elle comprenne qu'il est le plus fort, on peut se dire: ça fait un bon moment que j'avais besoin de voir un héros, un vrai qui réussit tout, qui ne doute pas de soi-même, qui minimise ses actes dévoués, qui fait tous les jours des trucs risqués, qui cache son grand cœur, qui est fidèle à ses anciennes amours,
et qui gagne à la fin.
Pour voir ce film, il faut rester au premier degré et se laisser porter sans trop réfléchir par le jeu des trois acteurs principaux.
Car évidemment, si on y pense vraiment, il y a un sacré paquet de points faibles, de ratés, d'erreurs ou de morale cow-boy, dont il faut ici faire abstraction.
Et merci à Michel Muller, quel génie!