Who watches the Watchmen ?
Suite de mon exploration de la filmographie aussi généreuse que maladroite de Zack Snyder en attendant son "Man of steel" qui sera à n'en point douter monumental (si si, je l'ai vu en rêve) avec ce qui reste pour moi son film le plus abouti à ce jour, l'adaptation du chef-d'oeuvre graphique de Dave Gibbons et Alan Moore, "Watchmen". Et dans sa director's cut, s'il vous plais ! Etonnant d'ailleurs qu'un projet longtemps prisonnier des limbes, sur lequel de nombreux cinéastes de prestige se sont cassé les dents ai atterri entre les mains d'un gus n'ayant à son actif que deux long-métrages. Hollywood ayant peu d'imagination et "300" ayant bien rempli les caisses, l'équation est rapide. On remerciera également le carton du "The Dark Knight" de Christopher Nolan sans qui un projet aussi sombre n'aurait certainement pas pu voir le jour.
Au son du "The times they are a changin" de Bob Dylan, Snyder pose les bases de l'univers créé par Moore et Gibbons, nous décrivant, le temps d'un générique somptueux, l'évolution d'une Amérique alternative, miroir à peine déformée de notre propre histoire, où les super-héros côtoient des personnalités comme Kennedy ou David Bowie, tout en insérant brillamment des éléments annexes du comic-book. Comme pour "300", Snyder décide de coller au plus près du matériau d'origine, en prenant bien soin de conserver un aspect purement cinématographique. Une relative fidélité à double tranchant selon le point de vue de chacun, certain regrettant un manque de surprise et de personnalité quand d'autres y verront l'humilité d'un cinéaste tout entier au service de la vision de ses auteurs.
Quoi qu'il en soit, Zack Snyder sait s'entourer et recréer sous nos yeux toute la beauté des planches de Gibbons tout en prenant quelques libertés bienvenues en ce qui concerne le design de certains personnages. Il mène sa barque avec une réelle efficacité malgré ce même abus des ralentis qui gâchait par moments son film précédent mais joue avec virtuosité sur l'iconisation de ses héros costumés, mettant en boîte des plans de toute beauté (la défenestration, la baiser devant le champignon atomique...) quand ce n'est pas des séquences amenées à devenir cultes, comme celle, magistrale et poignante, nous dévoilant les origines du Dr Manhattan. Un vrai court-métrage à elle toute seule.
D'une violence extrême, conservant toute la noirceur et le pessimisme du comic-book original, plus d'une fois éprouvant (la scène du viol), "Watchmen" permet également à des comédiens peu connus du grand public de briller de mille feux. Billy Crudup apporte une réelle humanité à un personnage en CGI, Jackie Earl Haley en impose sacrément en Rorschach, Matthew Goode incarne parfaitement la classe froide de Ozymandias, Jeffrey Dean Morgan bouffe la pellicule à chacune de ses apparitions, saisissant toutes les nuances du Comédien et Patrick Wilson est touchant en héros trop vieux pour ses conneries. Quand à Malin Akerman, son sex-appeal bouillonnant redresserait à lui seul la Tour de Pise.
Dommage cependant que cette adaptation peine à retranscrire la folie et l'ambiance apocalyptique qui précède un conflit mondial et rate autant son final. Obligé de raccourcir le récit initial de quelques sous-intrigues, Snyder se voit pour le coup dans l'obligation de modifier le final imaginé par Alan Moore, l'absence d'éléments importants à la compréhension de l'ensemble ne permettant pas de le retranscrire fidèlement. Si le fond reste à peu près le même (la paix vaut-elle tous les sacrifices ?), la forme change et il faut bien avouer que la vision de Snyder fait bien pâle figure face aux tableaux dantesques de Moore et Gibbons. Dommage, même si, de toute façon, la censure aurait sûrement mis son grain de sel là-dedans.
Malgré ses quelques faiblesses (fin ratée, utilisation hasardeuse des ralentis et de la bande originale), "Watchmen" reste un des films les plus réussis concernant l'univers souvent balisé des super-héros, dont le relatif échec mettra malheureusement fin à toute prise de risque de la part des grands studios.