L'atmosphère est la même : celle de la menace nucléaire, de la tension permanente entre deux géants. Tout comme les mots en première page des journaux : la guerre, l'horloge de l'apocalypse dont les aiguilles s'approchent inéluctablement d'un minuit sans retour.


Il y a aussi cette nostalgie de l'âge d'or du costume de vigilante, de cette certaine idée de l'innocence super héroïque, du mal bigarré que l'on reconnaissait au premier coup d'oeil et du bien qui ne pouvait que triompher. Jusqu'à ce désenchantement, cette montée de la violence et du rejet du justicier en collant.


Et depuis, il y a cette ambiance dans les quartiers, la crasse, la souillure, le foutre et cette odeur d'insurrection. Tandis que dans les yeux changeants de Rorschach, les égouts débordent de sang, et de fluides, et de miasmes. Tandis que l'uchronie Nixonienne prospère dans toute son horreur et que la clameur anti justicier enflamme la ville.


La ville brûle. Oui, Et pas uniquement dans les névroses de Rorschach. Une ville qui brûle depuis longtemps, comme le Vietnam passé au lance-flamme par le Comédien et soumis par le Docteur Manhattan.


A première vue, l' Ultimate Cut ne révolutionne donc pas la vision et le souvenir fabuleux que l'on avait gardé de Watchmen à la fin de la séance cinéma, passée comme un souffle, entre les sentiments de fébrilité et d'émerveillement instantané.


Pendant trois heures donc, Watchmen s'impose donc comme l'un des sommets du genre super héros, tout en le prenant à rebrousse-poil, tout en en déconstruisant chacune de ses mécaniques pour en livrer sa propre interprétation et donner vie à un monde aussi sombre que foisonnant. Et vivant.


Pour ensuite mettre en scène des personnages sombres, torturés, désenchantés. Des héros à large tendance anti, à l'écart du monde ou radicalisés. Des héros qui n'ont plus leur place dans un monde
qui les rejette et les déteste, les poussant dans la clandestinité.


Sauf qu'avec cet Ultimate Cut, en vue de l'acte final, tout semble soudain encore plus cynique, encore plus désabusé et noir. Tandis que les Watchmen se montrent encore plus névrosés, impuissants, mégalomanes. Même si chaque héros et méchant se montre toujours animé des mêmes pulsions humaines, du même égoïsme, de la même culpabilité. Manhattan a raison, en effet : beaucoup de choses dans ce monde peuvent être changées, sauf la nature humaine et son haut potentiel de destruction.


C'est que, au départ anodines, les séquences de The Tales of the Black Freighter prennent tout leur sens dans cet Ultimate Cut. En résonant dans le récit, comme un film dans le film, tout en le laissant respirer, en maximisant la portée de ses sombres paraboles et images cruelles avec les actions et les choix de presque chaque personnage de l'oeuvre.


De formidable récit méta tragique du genre super héros, Watchmen se transforme, sur grand écran, en un insondable requiem inéluctable qui ne cesse d'être interprété, exalté, transcendé. Tout en entrant en collision avec notre réalité : celle du chaos, celle du terrorisme, celle de la menace dont on ne soupçonne pas la provenance.


Dans une fin inattendue aux accents de désespoir tiré d'un twist de La Quatrième Dimension, appuyé par la reprise du prologue de la série Au Delà du Réel tout de suite après l'holocauste. Tout de suite après avoir réalisé que le mal tant redouté a donné naissance à un nouveau monde inespéré.


La vie n'est donc bel et bien qu'une immense farce.


Behind_the_Mask, fuckin' blue boy.

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le 27 déc. 2020

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