Bondartchouk envoie du pâté : impérial ! (On nem ou on nem pas)

ENFIN !

Enfin un film sur Napoléon qui a vraiment de la gueule ! Jusqu'ici j'en avais vu un petit paquet mais rien de bien réussi. Bon, si par souci de décence on tait les productions récentes, qu'est-ce qu'il reste, au juste ? En gros il y a Abel Gance et Sacha Guitry. Du premier je viens justement d'enchaîner "Napoléon" et "Austerlitz". L'un est presque bon, avec des effets techniques spectaculaires et quelques images de toute beauté, malheureusement desservis par un patriotisme trop lourd. Le second est raté. Il ne démarre pas trop mal, puis y a plein de caméos sympas, mais le tout manque cruellement de grandeur, surtout la bataille finale tant attendue, terriblement mal filmée. Finalement Guitry s'en sort mieux. Je garde un bon souvenir de son "Napoléon", aucunement grandiose mais qui a pour lui une touche d'humour et la verve de son réalisateur.

Il fallait donc que ce soit un Russe qui s'y colle, dans un film de langue anglaise, en plus ! (Je suis presque surpris que la production soit italienne et pas prussienne !) Mais en fait ce n'est pas si étonnant que le film soit plus réussi; avec un Russe aux commandes ça ne pouvait manquer d'être plus objectif. En plus ici on s'intéresse à la chute, et ça a toujours quelque chose de plus fascinant, ça, la chute, avec tout le côté tragique.

Commençons par les acteurs. Eh bien Rod Steiger s'en sort très bien en Napoléon, en faisant même peut-être l'interprète le plus convaincant, meilleur que Pierre Mondy et au moins ex æquo avec Albert Dieudonné, qui était ressemblant, habité, mais qui manquait d'épaisseur. De l'épaisseur, Rod en a, physiquement aussi, le rendant très ressemblant au Napoléon empâté des dernières années. On a un personnage torturé, colérique et maladif tout à fait crédible. En face de lui c'est Christopher Plummer qui fait Wellington, peu ressemblant, lui, mais ma foi fort sympathique. Quant aux autres, on signalera un Louis XVIII joué par Orson Welles, qui semble avoir été de tous les films sur Napoléon, ou peu s'en faut.

Si l'on pourra regretter que le scénario choisisse de ne pas nous en apprendre grand chose (voire rien) sur l'avant Abdication et l'après Waterloo, empêchant à l'ensemble d'atteindre une autre dimension, ce n'est pas forcément une mauvaise chose dans l'optique de se concentrer sur le théâtre de la guerre.

Et c'est ça, "Waterloo", un pur film de bataille, et un des meilleurs, il me semble. Bondartchouk, spécialiste de l'épique, signe là une mise en scène pharaonique. Reconstitution minutieuse, 20 000 figurants, il envoie tellement le pâté qu'il est obligé de s'envoler en hélico pour avoir une vue d'ensemble ! Y a pas à dire, le type sait filmer une bataille : les canonnades grondent, les colonnes d'infanterie s'ébranlent, les charges de cavalerie déferlent, dont une très belle, au ralenti, dans la fumée et la lumière. La caméra englobe comme il faut, suit comme il faut. La dernière charge de ce crétin de Ney contre les carrés anglais est un miracle de mise en scène.

Les uniformes sont magnifiques. Je me rappelle encore des choses avec lesquelles ils ont vêtu les soldats dans la mini-série avec Clavier et je vomis. Ici on ne sait plus où donner de la tête : grenadiers à la moustache foisonnante, hussards à la pelisse chatoyante (et au colback soyeux), chasseurs aux brandebourgs serrés, carabiniers cuirassés et cuirassiers carabinés, les fantassins et artilleurs à cheval anglais, les Highlanders, les Scot Greys, et les plus beaux, les lanciers polonais ! Pas d'anachronismes, pour une fois, seulement une interversion de régiment par ci, une petite erreur par là, notamment tous ces soldats de la Grande Armée chaussés de bottes alors que très peu en portaient pendant les Cent-Jours (mais on n'aurait pas eu le bruit, ç'aurait été nul. Puis les sabots, c'est moins classe...).

Sinon, toujours au niveau de la réalisation, il y a de chouettes plans, comme sur les bottes des maréchaux ou les mains de Napoléon. De bons raccords, aussi, notamment sur les regards des deux commandants en chef. Une belle lumière.

On regrettera : quelques plans de leaders à cheval pas terribles, d'entendre à certains moments les pensées de Napoléon et de Wellington, et ce soldat anglais (qui ressemble à s'en méprendre à ce figurant dans "Le bon, la brute et le truand", vous savez, ce sudiste blond mourant à qui Clint fait tirer une dernière taf) qui se met à crier "WHYYYY?" devant l'ampleur de la boucherie.

Par contre, on retrouvera avec plaisir une foule d'anecdotes plus ou moins avérées, comme les plus célèbres : les fraises de Grouchy et le mot de Cambronne, en français dans le texte.

(Très gros 7.)
Dimitricycle
7
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le 4 juin 2013

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