Tu seras psychopathe, mon fils... (!) SPOIL WARNING (!)

"We need to talk about Kevin" est un film qui ne vous laisse pas indemne, qui vous met une bonne grosse claque, qui vous agresse en permanence. Il y a tout d'abord ces quinze premières minutes à la narration totalement déconstruite, quinze minutes faites pour repousser, sans doute, les spectateurs les plus hésitants. Parsemées de flashbacks, les scènes s'enchaînent presque aussi incompréhensiblement que si vous regardiez un Lynch, les contrastes sont criards, le rouge omniprésent, annonciateur, évidemment, d'événements violents. Les bruits et la musique sont volontairement mis en avant pour vous vriller les tympans. C'est vous dire le bordel. On assiste à une errance, celle d'Eva, une fille un peu paumée qui, dans la nuit moite, va rencontrer celui qui deviendra son mari. Et tous deux enfanteront un monstre, dont le prénom seul fait déjà trembler : Kevin.

Le titre du film est étrange, parce qu'il ne sera pas vraiment question de dialogue entre la mère et son fils, ou alors c'est un dialogue de sourds. Eva et Kevin n'ont strictement rien en commun, si ce n'est la froideur de leur regard et le malaise qu'il instaure. Plus les minutes s'écoulent, plus l'enfance du petit Kevin se révèle être un cauchemar pour sa génitrice : il ne rit jamais, refuse ses jeux, ne la prend pas au sérieux, manipule déjà son père à qui il semble accorder beaucoup plus de crédit malgré ses nombreuses absences. Et surtout, il y a ses yeux, qui semblent accuser la mère de tous les maux (peut-être même de l'avoir mis au monde), qui la pousseront à avoir une fille ensuite pour exorciser le mal. Des yeux qui ne tuent que métaphoriquement... Enfin, pour l'instant. C'est un peu la seule faille que l'on puisse trouver dans ce thriller de Lynne Ramsay : comment est-il possible que les parents, qui ont l'air d'être des gens censés, n'aient pas été alarmés par le comportement de leur fils ? Rappelons que celui-ci est l'adaptation d'un livre (que je n'ai pas lu), donc je ne peux que supposer qu'il suit la trame du roman. Bon.

"We need to talk about Kevin" n'est pas vraiment crédible sur ce point, mais il faut avouer que sur le moment, on est totalement happés par cette histoire, cette ambiance malsaine. Les contours du scénario ont beau se dessiner assez rapidement, ce qui vous accroche à votre siège, ce n'est pas de se douter que Kevin va commettre l'irréparable, à savoir un massacre sanglant, au moment où des millions d'autres se contenteraient d'une crise d'adolescence carabinée ; c'est plutôt la volonté de constater à quel point tout cela semblait écrit d'avance, inéluctable. Mais l'était-ce vraiment ? Puisque l'absence d'un psy se fait cruellement ressentir tout au long du visionnage, le spectateur est seul à se poser des questions. Et l'une des forces du film, c'est de le laisser dans le flou. L'excellent Ezra Miller a-t-il hérité du rôle d'un garçon en qui l'on pourrait voir le Mal incarné ? En bref, est-il né avec une personnalité de sociopathe, ou l'est-il devenu ? A-t-il ressenti dès le départ, comme s'il possédait un sixième sens, que sa mère ne le désirait pas vraiment (et dans ce cas, il aurait fait tout cela juste pour exister à ses yeux) ? A-t-il été à jamais traumatisé par cette phrase qu'elle lui assène alors qu'il n'est que bébé, qui dit, en résumé, qu'elle préférerait être à l'autre bout du monde plutôt que de devoir s'occuper de lui ? Ses parents sont-ils autant responsables que lui de leur sort commun ? Voilà tout le propos de cette oeuvre qui, sans mauvais jeu de mot, atteint parfaitement sa cible, vous laissant une sensation de dégoût profond quant au manque d'empathie totale de son "héros". Une sorte de "Funny Games" qui se la joue solo !

Créée

le 24 mai 2014

Critique lue 550 fois

9 j'aime

Psychedeclic

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9

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