Des situations souvent atypiques dans lesquelles Henri Verneuil place Jean Paul Belmondo, de chaque rencontre que fait l’acteur, naît une ambiance particulière qui enrobe Week-end à Zuydcoote d’une ironie macabre particulièrement subtile. Contrairement à ceux qui illustrent la guerre de façon clinique pour en démontrer l’absurdité, Verneuil veille, lui, à ne pas tomber dans une quelconque démonstration manichéenne, préférant faire vagabonder ses personnages pour exploiter pleinement l’ambiance particulière qui émane du chaos que provoque l’homme quand il se laisse dominer par sa soif de conquête.
Homme de chaque plan, de chaque dialogue, Jean Paul Belmondo, enivrant comme jamais, insuffle son charisme insolent à son personnage de flâneur relativement ambigu. Qui mieux que lui pouvait prêter son oisiveté à ce pauvre bougre malmené par le sort, chanceux à sa façon, placé bien malgré lui dans des situations qui le dépassent. Il est le véhicule de premier choix qu’use Henri Verneuil jusqu’à l’os pour dépeindre cette fatalité qui émane de la guerre et des morts qu’elle provoque. Quand le ciel se fait menaçant, les hommes se couchent et prient, si tant est qu’ils croient encore à la protection hasardeuse du grand barbu censé veiller sur eux. Quand la faucheuse frappe, une énième fois, les larmes ne sont plus conviées aux obsèques, l’habitude les remplace, même si le cœur, lui, se meurtrit toujours un peu plus.
C’est un sujet bien noir qui motive le crayon narrant cette histoire peu optimiste et pourtant, à aucun moment Verneuil ne pousse les violons pour déclencher l’émotion. Son intérêt est ailleurs, dans chaque être que son jeune soldat rencontre notamment. Qu’il soit anglais, français, homme ou femme, tous apportent quelque chose au récit en partageant un moment touchant avec celui qui leur sert de miroir, un peu passivement, mais avec un altruisme qui fait chaud au cœur. Et quand la rencontre se fait dans la violence, c’est sans plaisir aucun, sans aucune once de spectaculaire. Simplement un écho à une réalité malsaine qui fait qu’on ne peut plus se déguiser en bonne sœur et se raser au soleil sans faire hurler les bâtons de mort.
Weekend à Zuydcoote est un film d’ambiance, car c’est l’interaction dépeinte entre chaque personnage d’une galerie bien fournie qui le dessine, qui construit son fil conducteur. Mais il est aussi l’écho d’un savoir faire farouche en matière de mise en scène et d’une générosité dans l’image qui permet à son auteur de fouler des terrains arides qu’on ne s’attendait pas à trouver ici, ceux poisseux d’un film de guerre. Lorsque les bombes percutent le sable d’une plage accueillante, c’est dans un brouhaha de tous les diables, à l’occasion de séquences d’un dynamisme rugueux qui nous placent directement en plein cœur des cratères. L'impuissance de tous ces hommes désespérés, qui n’ont pas d’autres choix que d’espérer éviter obus et cartouches après avoir fermé les yeux, est si palpable qu’à ce moment là l’émotion est vive.
Il fait bon de tomber sur un film aussi sincère, orchestré par un cinéaste qui ne joue à aucun moment le petit malin pour augmenter l’impact de ses images, si ce n’est peut être au moment de tirer sa révérence. Mais comme le travail de sape a été bien fait, qu’on est envoûté depuis un bon moment par l’ambiance si particulière qui se dégage des images, du script et de la nonchalance de Belmondo, on accepte le dénouement cavalier, aussi naturel et sophistiqué que l’a été tout le film.