A l'heure où le film de Nolan divise un peu les spectateurs, il est bon de revoir Week end à Zuydcoote, excellent film d'Henri Verneuil qu'il réussit comme souvent à rendre captivant tout en en faisant un succès populaire. C'est le Dunkerque des Français.
Comme je l'ai dit ailleurs, les films de guerre français n'avaient pas la prétention et ne pouvaient pas concurrencer les grosses machines hollywoodiennes, mais ici, Verneuil vise par le style et les moyens investis à se placer à leur niveau. Le film Dunkerque de Leslie Norman en 1958 ne se préoccupait que très peu des Français perdus dans cette débâcle de juin 1940 sur ces plages du Nord de la France, mais montrait des hommes pris dans une sorte de piège où ils étaient pilonnés par la Luftwaffe. On lui pardonne car c'était une vision anglaise des événements, et ici, Verneuil fait de même puisqu'il donne la vision du côté français, les troupes anglaises ne sont pas totalement ignorées, mais passent pour être rigides, conformistes et bornées. Le point de vue s'occupe surtout du facteur humain, et je préfère de loin cette option, ça change des soldats sans nom de Nolan et des 3 ou 4 pelés sur ses plages ; ici, on y voit des gars qui vivent une tranche de vie entre 2 raids de l'aviation allemande, et ils sont bien identifiés, d'où cet aspect humain très fort qui transparait dans ce film, incarné par Belmondo, François Périer, Marielle et Mondy, 4 camarades soudés coincés sous une cabane de fortune, attendant d'être embarqués.
Le film est donc davantage centré sur la trajectoire d'un groupe d'individus, et particulièrement l'un d'entre eux, le sergent Maillat joué par Belmondo, dégoûté et las déja de cette guerre et de cette attente, qui déambule entre les dunes et la ville où il rencontre Pinot, un artilleur pittoresque (joué par l'excellent Georges Géret) et surtout Jeanne une jeune femme isolée dans sa maison en ruines, incarnée par Catherine Spaak. La grande Histoire constitue un fond pour cette trajectoire tout en étant brillamment illustrée. Les dialogues cinglants et la personnalité de Maillat, cynique, rebelle, mais courageux, le jeu sincère et drôle des acteurs, ainsi que la mise en scène parfaite de Verneuil, contribuent à ancrer le film dans la tradition française, une manière différente dans l'approche de la guerre, confirmée par l'ironie tragique du final.