Il aura donc fallu plusieurs jours au masqué pour se calmer et peser ses mots afin d'expliquer ce qu'il a ressenti devant ce Welcome, titre choisi certainement pour montrer toute l'ironie de son réalisateur devant l'accueil réservé aux étrangers en quête d'asile en France, sujet oh combien dramatique et sensible.
Et puis, Behind s'est dit que de toute façon, il ne manquerait pas de passer pour une saleté de facho, comme il a déjà été taxé d'homophobie à la sortie de 120 Battements par Minute.
Il est donc devenu suspect, aujourd'hui, de ne pas partager le pamoison jugé citoyen de la majorité, dont une partie semble s'acheter, au passage, un humanisme de salon à bon compte. Pourquoi cependant s'en priver, vu que Philippe Lioret le propose en solde flash d'une heure cinquante ?
Comme il sera automatique d'être taxé de vilain, d'anti ou de réac' alors que l'on ne fait qu'exprimer le sentiment que le mobile louable ne fera jamais à lui seul un bon film.
Ainsi soit-il, donc...
Car Welcome n'est pas pour moi un bon film, encore moins humaniste. A vrai dire, si... Mais seulement en de rares occasions, quand il dépeint tout le désespoir et l'isolement de ce gamin formidable d'abnégation, parti pour trouver une vie meilleure et essayer de rejoindre celle qu'il aime. Quand il l'engage dans une voie sans issue, mais à laquelle on veut croire, de manière totalement illusoire, comme le crie le fond de notre coeur. Et encore plus lors de l'épilogue du film, proprement déchirant, tandis que le messager traverse la Manche...
Welcome, sur cet aspect, partait donc avec un capital sympathie des plus élevés, qui lui seul aurait dû irradier l'oeuvre dans son entier. En restant intime et pudique dans la souffrance ressentie, dans l'urgence des retrouvailles entre deux tourtereaux dont l'amour est menacé par le poids des traditions.
Sauf que Philippe Lioret décide de travestir son film touchant et éperdu en dénonciation politique finalement malsaine, tant ce qu'il dépeint est à côté de la plaque. Car dans un militantisme outrancier et aveugle, sûr de son fait alors qu'il tourne à une propagande décomplexée, ce metteur en scène n'utilise que la déformation des faits et le mensonge pour faire de son film un réquisitoire du sarkozysme qui perd toute crédibilité alors qu'il enchaîne les aberrations les plus hallucinantes.
Parce qu'il faudrait peut être arrêter de penser que rien n'est interdit sous prétexte de licence artistique ou de dramaturgie afin d'affirmer, du haut de ses petits ergots guerriers et accusateurs, une réalité pour le moins bien particulière et atypique. Il faudrait peut être arrêter de penser que les raccourcis et les amalgames sont la clé de voute d'une narration en forme de sermon d'un curé de campagne intégriste.
Car n'en déplaise à Monsieur Lioret, affirmer, même en 2008/2009, que l'on peut coller un mineur isolé en centre de rétention administrative est une contre vérité des plus obscènes. Tout comme le fait de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement.
Car régler une audience dans un tribunal administratif en deux minutes chrono, en faisant dire à un président de chambre qu'il prononce lui-même ladite mesure d'éloignement et le placement en CRA est une hérésie dans un état de droit. Tout comme il balaie d'un revers de main, face caméra, un état de minorité signalée, le tout sur un mode "je m'en fous"...
Entre autres pratiques arrangements avec la réalité...
L'état policier, lui, sera représenté comme quasi identique à celui de l'occupation et de ses sinistres remugles, quand on dénonçait le juif et qu'on le tatouait de manière funeste. De tels amalgames font froid dans le dos. De tels anathèmes révulsent de la part d'un supposé artiste dont la sincérité est loin d'être la qualité première, faisant de son oeuvre une véritable imposture parfois très difficile à concevoir. A moins que ce genre de pratique soit réel ? Je n'ose y penser...
Cependant, dans la négative, il est constant que même le militantisme, envisagé comme une croisade en forme de manipulation, a ses limites. Celles posées par l'honnêteté intellectuelle et un minimum de rigueur dans la démarche de dénonciation, aussi louable et supposément citoyenne puisse-t-elle être considérée et ressentie.
Welcome n'avait pas besoin de se draper dans un tel parti pris unilatéral, de se cacher derrière un pseudo réquisitoire manipulateur et démagogique en forme de bulldozer. J'aurais voulu seulement garder en mémoire son histoire touchante et douloureuse. Il ne restera que le procédé d'une franchise qu'il pourra être permis de remettre en cause.
Le succès n'excuse pas tout.
Behind_the_Mask, poli-tique fiction.