" J'ai pas été foutu de traverser la rue quand t'es partie ..."
Peut-on traverser la Manche à la nage juste par amour à 17 ans ? C'est bien la question que se pose Simon (magnifique Vincent Lindon) quand il rencontre Bilal à la piscine où il est maitre-nageur, lui qui n'a "pas été foutu de traverser la rue pour te rattraper quand t'es partie" dit-il à son ex femme Marion.
Le film débute sur des scènes de bénévoles venant en aide aux réfugiés. Puis l'histoire se resserre sur Bilal et sur Simon, sur leur rencontre, sur tout le jeu qui s'opère entre eux, peu à peu Bilal entre dans l'univers de Simon pour en bouleverser sa vie, le voyage des deux personnages s'arrêtera non loin de Londres. Mais au delà de ça, le film nous entraîne aussi dans le quotidien de la ville de Calais, ville de réfugiés, qui malgré le "welcome" inscrit sur le tapis d'entrée du voisin (pas très commode) de Simon ("doit y avoir de l'ambiance dans votre immeuble" lui lance le policier chargé de le traquer afin qu'il n'héberge plus personne illégalement) n'est pas si accueillant que ça mais c'est ce n'est d'ailleurs pas cette Terre française qu'ils recherchent mais l'Angleterre.
Voilà le côté que ce film nous montre, ces réfugiés qui quittent l'Irak. Le pays est considéré comme en guerre, ils ne peuvent donc être reconduit à la frontière mais comme le dit le juge pendant le "procès" de Bilal : "toutes les mesures policières sont mises en place pour que vous retourniez dans votre pays, alors un conseil rentrez chez vous". Bilal est donc aussi celui qui est au sein d'un groupe, il tente de s'échapper avec ce groupe.
Ainsi, l'aide des bénévoles ou même l'insistance de Simon à vouloir aider Bilal (plus sentimental que politique, la politique c'est plus pour Marion, elle hurle contre les vigiles dans les centres commerciaux, il baisse les yeux) ne semble qu'une goutte d'eau dans la vaste mer (celle qui sépare Bilal de Mina).
Le film montre donc ces personnages tous paumés, incapables de s'affronter réellement aussi, il y a un côté un peu agaçant du personnage de Simon et cette pseudo prise de conscience du mal être des autres par la rencontre d'un être.
C'est cependant un beau film, duquel on retiendra l'agitation des bras de Bilal jusqu'au bout, face à une politique qui échoue tout près de son but, comme mourir à seulement 800 m de la Terre de son amour alors qu'on a déjà parcouru 3 mois à pied de l'Irak à Calais.
C'est aussi un monde qui s'étouffe comme ces réfugiés au travers d'un sac plastique afin de devenir indécelable, invisible, inexistant, sans souffle. Mais, après tout, quelle peut-être la véritable solution ? Le film n'en donne pas, il se contente d'un parcours et d'une seule victoire (dernière image du film)...