Ma plus grande crainte à propos de cet épisode spécial, c'est qu'il passe un peu inaperçu, ce qui serait un peu catastrophique pour le niveau des productions Marvel à venir...
Avec Werewolf by night, Marvel pousse à son terme la démarche entamée par WandaVision, et c'est absolument merveilleux. Après l'ère des productions ultra-calibrées que tout le monde a plus ou moins dénoncé à juste titre, la firme décide d'étendre son univers en sortant de sa zone de confort. Si tout le monde s'en désintéresse ou joue la carte du snobisme, que va-t-on bouffer dans la prochaine phase du MCU ?? Prions pour que le public fasse mentir mes craintes...
Bref, je ne dis pas que le moyen-métrage de Michael Giacchino est parfait. Mais il témoigne d'une passion absolue, d'une cinéphilie aiguë et d'un amour du genre inattaquable, et ça devrait suffire à le faire défendre bec et ongles par tous les cinéphiles qui ont encore le courage de suivre un tant soit peu les productions super-héroïques de Disney.
Werewolf by night est donc une immense lettre d'amour à un genre dont la désuétude fait précisément le charme aujourd'hui. Le film de monstres à l'ancienne n'a plus vraiment cours et je ne sais pas s'il pourrait s'en développer une version actualisée aujourd'hui. Michael Giacchino n'a indéniablement pas fait ce choix, il s'est engouffré sur le terrain ô combien casse-gueule du pastiche. Et c'est génial !
On retrouve ici toute l'essence des films de monstres à l'ancienne, avec un léger trop-plein de kitsch, quoique mesuré ici. Dans un noir et blanc d'une élégance extrême, la caméra de Michael Giacchino se révèle aussi virtuose que ses partitions. Citant sans cesse tout un pan de cinéma, le compositeur/réalisateur s'amuse à nous offrir quelques images qui frappent instantanément la rétine telles que, bien évidemment, ce plan déjà culte sur la métamorphose du loup-garou en ombre chinoise, centré non pas sur la créature, mais sur le regard tétanisé de l'héroïne qui assiste à la transformation. Toute la vision du cinéma de Giacchino se résume parfaitement dans ce plan attendu et prodigieux, où le génie de la forme rejoint la nécessité du fond.
Bien sûr, en 50 minutes, on n'attend pas de Giacchino qu'il nous propose des personnages extrêmement fouillé, mais il réussit à produire au moins le minimum syndical pour qu'on puisse s'y attacher, à la manière des productions anthologiques à la sauce Quatrième Dimension ou Contes de la crypte. Et nous voilà embarqués dans un de ces jolis petits tours de manège dont Marvel a le secret, qui égale sans souci la qualité des épisodes des séries susmentionnées.
Le casting incarne en outre ces personnages avec une jubilation sans égale, et c'est un plaisir de voir Gael Garcia Bernal s'immiscer dans cet exercice avec son charisme habituel. Mais c'est probablement l'excellente Harriet Sansom Harris qui remporte la palme par son cabotinage délicieux, typique du surjeu qui pouvait caractériser ce type de série B dans les années 50-60.
Bénéficiant d'une direction artistique particulièrement soignée, Werewolf by night s'offre un joli trip quasiment en huis-clos (deux décors), qui a pourtant le mérite de nous promener dans des décors fascinants qui, tout en garantissant le côté oppressant du scénario, ne nous font jamais sentir enfermés. Giacchino semble avoir parfaitement compris que le budget n'est jamais une limitation en soi, mais qu'il faut simplement trouver comment le rentabiliser au maximum par une créativité artistique de tous les instants, qu'une absence de conclusion légèrement décevante ne peut faire passer inaperçue.
Et chaque détail de cette fausse série B est là pour nous le rappeler !
Après avoir clivé pendant des années, Marvel semble enfin décidé à rattraper les cinéphiles de tout poil qui s'étaient détournés de ses productions. Werewolf by night est une nouvelle (et magnifique) pierre à cet édifice bien plus complexe qu'il n'y paraît que le studio super-héroïque est en train de bâtir sous nos yeux. Et si d'aucuns lui reprochent son aspect composite, ceux-là même qui, hier, reprochaient aux productions Marvel leur uniformisation, on fera plutôt ici le choix de la cohérence en y voyant la principale force de cet univers cinématographique décapant, très inégal, régulièrement décevant, mais toujours passionné.