Western à l'Est
Du western, la réalisatrice allemande Valeska Grisebach, déjà repérée pour "Désirs" ("Sehnsucht", 2007), a voulu respecter, dans ce nouveau film, certains codes : un territoire essentiellement...
le 15 oct. 2017
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Le western, il faut aller le chercher dans les codes détournés du genre, transposés à l'Est de l'Europe, là où les Bulgares font office de nouveaux Indiens et où les colons américains sont remplacés par des ouvriers allemands détachés. Ce qui est d'ailleurs très agréable dans Western, c'est que l'on n'est pas du tout contraint de lire le contenu à l'aulne de cette grille-là, elle restera largement sous-jacente, en filigrane : c'est une très bonne chose à mes yeux, la démarche ne montrant aucun signe d'artificialité selon des schémas que l'on nous ferait ingurgiter de force. On peut aussi beaucoup apprécier la volonté de Valeska Grisebach d'illustrer la confrontation entre deux mondes — pas si imperméables et homogènes que ce que la situation initiale laisse penser. Il y a certes les Allemands et les Bulgares, mais il y a aussi tous les éléments perturbateurs qui n'obéissent pas à un cahier des charges clairement établi et lisible au préalable. Le protagoniste Meinhard est à ce titre l'exemple typique de cette incertitude constructive, car derrière ses attributs de héros taciturne, solitaire, et débrouillard, on a toujours du mal à cerner sa personnalité et ses humeurs. Que ce soit un élan amoureux ou un coup de sang, son laconisme empêche de lire en lui comme dans un livre ouvert.
Je n'aurais en outre jamais pensé que la campagne bulgare puisse être le siège d'une telle intrigue, comme une version européenne et un peu plus verte du grand Ouest, des contrées magnifiques, arides, sauvages. Un décor de choix pour cristalliser les tensions et pour laisser infuser le discours sur le fossé qui sépare deux pays européens, comme si un autre affrontement que celui sur l'accès à l'eau (pour un chantier de construction) avait lieu, entre l'arrogance impérialiste de l'Ouest et le dénuement de l'Est. Comme si on opposait la pauvreté au mépris. Le racisme prend des formes très différentes, selon tous les axes imaginables. Il est intéressant de noter qu'il s'agit d'un regard féminin sur un monde essentiellement masculin, et traversé par des rivalités typiquement masculines : il en résulte une douceur très singulière, dans la façon de suivre le protagoniste mutique dans la nature ou dans la façon de décrire son rapport à un cheval. Une démarche que l'on pourrait presque qualifier de naturaliste — le personnage principal, comme beaucoup d'autres, est interprété par un amateur. Une douceur qui partage toutefois l'espace avec une tension sourde, latente, se cristallisant à plusieurs reprises dans des accès de violence, au détour d'un couteau sorti, d'un coup de fusil, d'une bagarre soudaine. Au sein de ce réseau dense d'amitiés timides et d'antagonismes brûlants, l'asphyxie guette. Deux mouvements condensés de manière un peu trop schématique dans les deux personnages allemands principaux, mais qui parviennent à se nouer pour tisser un portrait de l'errance peu banal.
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Créée
le 30 sept. 2019
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